LES DELIRES TRANSSEXUALISTES 
OU LE POUSSE-A-LA-FEMME
Eduardo Tomás Mahieu
Jeudi 11 Mars 1999

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INTRODUCTION

 
Depuis longtemps, plusieurs auteurs ont remarqué la fréquence et l'importance de la thématique sexuelle dans la psychose.

Magnan, dans ses célèbres Leçons cliniques, remarquait "Les hallucinations du sens génital ne sont pas rares, surtout chez la femme, mais les hommes ne sont pas exempts; ils se plaignent assez souvent de pratiques de sodomie, d'onanisme, auxquelles leurs ennemis se livrent sur eux aussi bien le jour que la nuit" (1).

Kraepelin notait à propos des idées délirantes dans la "Dementia Praecox": "Une place très importante dans le tableau clinique de la Démence précoce, occupent, à mon avis, les délires sexuels, très souvent en rapport avec des sensations sexuelles précédemment décrites" (2).

Bleuler, lui, signale que "parmi les hallucinations corporelles des schizophrènes, les sexuelles sont, de loin, les plus fréquentes" (3). Il remarque encore que "lorsqu'une schizophrène a une idée délirante, il est rare que le contenu sexuel soit absent" (4).

Weber, un des experts qui examina Schreber, avait bien noté que "l'essentiel de sa mission rédemptrice résidera d'abord et avant tout dans l'accomplissement de sa transformation en femme"(5).

Henri Ey signalait les auto-mutilations et les castrations comme des comportements impulsifs les plus caractéristiques des schizophrènes (6), et un peu plus loin, il affirmait, toujours à propos des schizophrènes, "Les représentations, les mythes, idées délirantes et hallucinatoires jouent, dans la plupart des cas, sur des thèmes sexuels: érotisation des objets et des situations, "symbolisme" sexuel des productions artistiques, sexualisation de tous les contacts, du langage, de la pensée, descriptions d'accouplements monstrueux s'étendant à l'univers entier, aux astres, aux saisons", etc.(7).

Nous pourrions encore rallonger cette liste avec d'autres auteurs, mais nous voulons contraster le poids des auteurs cités avec le fait que dans le DSM-IV aucune mention n'est faite à la thématique sexuelle. Elle est simplement inexistente.

Ces délires sont souvent appelés "transsexualistes", car ils répondent à une certaine logique. Depuis l'analyse que Freud a fait du Cas Schreber et sa formulation de "la paranoïa comme une défense contre l'homosexualité", la place de la sexualité dans la psychose, à fait l'objet de très nombreuses considérations psychanalytiques cherchant à repérer la structure de tels phénomènes.

Ainsi le précise Freud quand il aborde le fantasme "Un enfant est battu": "Etre battu, dans le fantasme masculin - pour le nommer brièvement et d'une manière qui je l'espère ne prête pas à confusion - c'est aussi bien être aimé au sens génital du terme. [...] Originairement le fantasme inconscient n'a donc pas eu pour formule "je suis battu par le père", comme nous l'avions d'abord établi provisoirement, mais plutôt: je suis aimé par le père. [...] Le fantasme de fustigation du garçon est donc dès le début un fantasme passif, effectivement issu de la position féminine à l'égard du père" (8), fantasme dont il disait que "Je ne serais pas étonné si l'on parvenait un jour à montrer que ce même fantasme est à la base du délire quérulant des paranoïaques"(9). Freud en fait donc la question centrale dans la paranoïa, et plus tard de la psychose.

Soixante ans plus tard, Lacan résume en une formule resserrée, sa position: "Je pourrais ici, à développer l'inscription que j'ai faite par une fonction hyperbolique, de la psychose de Schreber, y démontrer dans ce qu'il a de sardonique l'effet de pousse-à-la-femme qui se spécifie du premier quanteur: ayant bien précisé que c'est de l'irruption d'Un-père comme sans raison, que se précipite ici l'effet ressenti comme de forçage, au champ d'un Autre à se penser comme à tout sens le plus étranger" (10), qui constitue son seul témoignage explicite du "pousse-à-la-femme" (nous savons aujourd'hui grace à une trouvaille que Pierre Bruno (95) attribue à Claude Duprat, que l'expression provient d'Antonin Artaud: "L'être ne commence pas par l'âme, il se fait par la forme d'un corps principe que j'anime peu à peu et pousse jusqu'à la femme", in Antonin Artaud, Oeuvres Complètes, Gallimard, Tome XXI, page 219).

Eric Laurent dit à ce propos "... le "pousse-à-la-femme" n'est pas chez Lacan une catégorie phénoménologique mais bien un concept. Il s'applique aussi bien pour les sujets homme que pour les sujets femme" (11). Le pousse-à-la-femme est donc une structure logique, en rapport avec la pulsion. "La pulsion a quelque chose de l'ordre du pousse et c'est vrai que ce pousse-à-la-femme est la nouvelle forme de la pulsion qui se dégage du fonctionnement des psychoses, articulée avec une structure logique qu'est précisément celle de La femme qui manque à tous les hommes", signale E. Laurent (12).

Deux axes, l'un synchronique, celui de la pulsion, de la jouissance, celui d'une structure logique, La femme, dans ses rapports avec la Forclusion du Nom-du-Père.

L'autre axe, diachronique, imaginaire, le constitue le travail délirant, le trajet imaginaire, les différents moments phénoménologiques décrits par Freud, Lacan et repérables dans les œuvres classiques de la psychiatrie.
 
 

LES ASPECTS SYNCHRONIQUES

Le Pousse-à-la-femme a, comme antécédents, les élaborations freudiennes concernant la position féminine dans l'Oedipe. C'est avec ce concept que Freud aborde le cas du Président Schreber, et que Lacan, lorsqu'il prend la relève de Freud, fait ses premiers commentaires de Schreber. Nous allons tenter de suivre le fil conducteur qui mène de la position féminine au pousse-à-la-femme.

1. FEMINITE ET POSITION FEMININE, L'OEDIPE NEGATIF, L'ATTITUDE PASSIVE.

Avec l'opposition actif-passif comme corrélât de l'opposition masculin-féminin dont Freud s'en sert pour "pour dénommer, pour recouvrir, pour métaphoriser ce qui reste d'insondable dans la différence sexuelle" (13), il aborde la "bisexualité" des enfants qui lui permet de dégager, en rapport avec l’Oedipe dont sa référence centrale est le Père, une position féminine, dite aussi attitude passive, et une position active ou masculine. Pour pointer ces deux positions il s'en sert du concept d'Oedipe négatif: "Le complexe d'Oedipe dans sa forme plus complète, complexe qui est double, positif et négatif, sous la dépendance de la bisexualité originaire de l'enfant: le garçon n'a pas seulement une position ambivalente envers le père, mais il se comporte en même temps comme une fille en manifestant la position féminine tendre envers le père" (14).

Dans "Un enfant est battu", il précise que cette motion tendre envers le père peut avoir un caractère génital, et il la charge de contenus imaginaires: "Etre battu, dans le fantasme masculin - pour le nommer brièvement et d'une manière qui je l'espère ne prête pas à confusion - c'est aussi bien être aimé au sens génital du terme. [...] Originairement le fantasme inconscient n'a donc pas eu pour formule "je suis battu par le père", comme nous l'avions d'abord établi provisoirement, mais plutôt: je suis aimé par le père. [...] Le fantasme de fustigation du garçon est donc dès le début un fantasme passif, effectivement issu de la position féminine à l'égard du père" (15). "Les fantaisies masochistes [...] mettent la personne dans une situation caractéristique de la féminité, donc signifient être-castré, être-coïté ou enfanter" (16).

P. Naveau rappelle la dissymétrie entre l'Oedipe chez le garçon et chez la fille: "Alors que la sortie de l'Oedipe est provoquée, chez le garçon, par l'angoisse de castration [...], chez la fille, l'entrée dans l'Oedipe a pour cause le désir de castration. S'agissant de la castration, le Wunsch de la fille est opposé à l'Angst du garçon. La fille est poussée par le Wunsch, le garçon est arrêté par l'Angst" (17).

J. D. Nasio souligne aussi ces différentes positions d'une façon très concise dans son texte consacré au concept de castration (18)

2. POSITION FEMININE ET PSYCHOSE

Freud aborde les phénomènes cliniques de la psychose, et en particulier le cas Schreber, avec les concepts qu'il tire de l'Oedipe négatif: position passive, désir de castration, position masochique, désir d'être pénétré par le Père, tel que nous l'avions déjà noté à propos du texte "Un enfant est battu". Il l'écrit en 1919, après son analyse du Président Schreber en 1911 et Pour Introduire le Narcissisme en 1914. C'est essentiellement l'analyse du délire de transformation en femme de Schreber qui le met dans cette direction. Freud remarque dans le cas Schreber, "la nature primaire du fantasme d'émasculation et de son indépendance, au début, de l'idée de rédemption. [...] L'idée d'une transformation en femme avait été le trait saillant, le premier germe du système délirant" (19).

Mais l'identification de la position féminine dans la psychose ne suffit pas, comme Freud lui-même nous le fait savoir: "Nous avons jusqu'ici traité du complexe paternel qui domine le cas de Schreber et du fantasme dominant de désir pathogène. Il n'y a là rien de caractéristique de la paranoïa, rien que l'on ne puisse retrouver dans d'autres cas de simple névrose et qu'on y retrouve en effet. Le trait distinctif de la paranoïa (ou de la démence paranoïde) doit être recherché ailleurs: dans la forme particulière que revêtent les symptômes, et de cette forme il convient de rendre responsables non point les complexes, mais le mécanisme formateur des symptômes ou celui du refoulement" (20).

3. LA JOUISSANCE: JOUISSANCE DE L'UN ET AUTRE JOUISSANCE

Le deuxième groupe de notions qui nous approche d'une compréhension du pousse-à-la-femme est celui de la jouissance.

"Tous les besoins de l'être parlant sont contaminés par le fait d'être impliqués dans une autre satisfaction - soulignez ces trois mots". C'est ainsi que Lacan introduit à la question de la jouissance dans le Séminaire Encore...(21) "L'autre satisfaction, vous devez l'entendre, c'est ce qui se satisfait au niveau de l'inconscient [...] ... la jouissance dont dépend cette autre satisfaction, [est] celle qui se supporte du langage". Pour Maleval, la jouissance "se déduit de ce qui oriente le sujet dans l'existence. Elle réside en une tension qui porte vers la satisfaction de la pulsion" (22).

"L'expérience psychanalytique, dit Eric Laurent, témoigne de ce qu'il y a deux espèces de jouissance qui viennent au sujet, et deux seulement qui peuvent qualifier le sexe. D'abord celle de l'organe masculin, marqué par le Un: "l'aile du désir toujours trop tôt retombe". Ensuite, plus familière aux femmes, une jouissance qui est toujours apparue plus diffuse, moins localisée dans l'organe, par là même moins soumise à la retombée, susceptible d'être multiple, enveloppante pour le sujet. A suivre Lacan, Freud veut dire qu'il y a une jouissance phallique commune aux deux sexes et un représentant de celle-ci commune aux deux sexes dans un organe simulacre. Il reste une jouissance Autre, au-delà de l'organe, qui ne s’accommode pas de l'aliénation du symbole" (23).

Nous avons donc une jouissance qui régit les échanges entre les deux sexes, qui de par le "phallocentrisme de l'inconscient" est appelée jouissance phallique, dont le signifiant maître est le phallus, mais en tant qu'il est le signifiant qui recouvre la castration, castration qui doit être définie comme sacrifice de jouissance, d'après le mythe de la Horde Primitive.

Et puis il y a, pour Lacan, une autre jouissance, "une jouissance [...] du corps, qui est [...] au-delà du phallus [...]. Il y a une jouissance à elle, à cette elle qui n'existe pas et ne signifie rien. Il y a une jouissance à elle dont peut-être elle même ne sait rien, sinon qu'elle l'éprouve - ça, elle le sait. [...] Menues considérations sur la jouissance clitoridienne et sur la jouissance qu'on appelle comme on peut, l'autre justement, celle que je suis en train de vous faire aborder par la voie logique, parce que jusqu'à nouvel ordre, il n'y a pas d'autre" (24). Cependant il marque bien que c'est aussi celle qu'éprouvent les mystiques: "Malgré, je ne dis pas leur phallus, malgré ce qui les encombre à ce titre, ils entrevoient, ils éprouvent l'idée qu'il doit y avoir une jouissance qui soit au-delà" (25).

Cette jouissance est appelée supplémentaire par rapport à la jouissance phallique

4. LA JOUISSANCE PSYCHOTIQUE

Dans son texte sur la logique du délire, Maleval souligne, encore une fois, l'opposition entre jouissance phallique et jouissance de l'Autre, et ce à propos des phénomènes dénommés "délocalisation de la jouissance" produits par le déclenchement de la psychose: "La jouissance de l'Autre n'est pas régulée par la loi du signifiant, de sorte qu'elle trouve sa satisfaction en des objets non séparés du sujet. En termes freudiens, il s'agit d'une jouissance prégénitale, c'est-à-dire qu'elle ne se trouve pas soumise au primat du phallus. Elle s'avère folle, énigmatique, hors symbolique, centrée sur le corps du sujet et sur ses organes […] La forclusion du Nom-du-Père implique l'absence d'une limite quant à la jouissance, celle instaurée par la perte d'un objet primordial; de sorte que le sujet psychosé se trouve envahi par la jouissance de l'Autre, son corps devient alors le siège de phénomènes divers, agréables ou pénibles, voluptueux ou angoissants" (26).

5. LES FORMULES DE LA SEXUATION, LACAN ET LA LOGIQUE FORMELLE, LA FEMME N'EXISTE PAS.

Lacan va se servir de la logique propositionnelle pour formaliser le mythe de la horde primitive. En premier lieu, il affirme en opposition à Aristote que l'Universel ne se soutient que d'une exception qui le nie: "L'exception ne confirme pas la règle, comme on le dit gentiment, elle l'exige, c'est elle qui est le véritable principe" (27). Ceci donne une justification logique au mythe freudien du Père de la horde primitive. Celui-ci est le Un qui n'obéit pas à la loi de la castration, dont le meurtre par les fils l'instaure justement, et du même coup, fonde l'humanité "civilisée", c'est-à-dire l'ensemble de tous-les-hommes soumis à la loi de l'interdit de l'inceste.

Cela s'écrit:

___

$ x. Fx.

Et se lit: au-moins-un pour qui la fonction de castration (symbolisée par ) ne fonctionne pas. Ici, il faut comprendre "castration" comme suit: sacrifice de jouissance. Désormais la jouissance illimitée est interdite par la loi de l'interdit de l'inceste, introduite par le "moins-un", l'exception, le Père de la horde primitive. Il n'existe pas un pendant côté femme qui serait une "Mère Primitive": "La Femme n'existe pas".

Cela s'écrit:

___ ___

$ x. Fx.

Freud évoquait l'universalité de la phase phallique, et il stipulait qu'il n'y avait qu'une seule libido: masculine. Ceci trouvait sa justification dans la prépondérance attribué au père dans l'Oedipe et en particulier avec le mythe du Père de la horde primitive. Le pivot du mythe est la castration, ici comprise par le terme fonction phallique. Lacan justifiait cette primauté du Père dans l'Œdipe, et ce depuis son article "Les complexes familiaux…" de la façon suivante: "J'ai souvent pris position contre la façon hasardeuse dont Freud interprétait sociologiquement la découverte capitale pour l'esprit humain que nous lui devons là. Je pense que le complexe d'Œdipe n'est pas apparu avec l'origine de l'homme (si tant est qu'il ne soit pas insensé d'essayer d'en écrire l'histoire), mais à l'orée de l'histoire, de l'histoire "historique", à la limite des cultures "ethnographiques". Il ne peut évidemment apparaître que dans la forme patriarcale de l'institution familiale" (28).

R. Graves rappelle que l'Europe néolithique, avant l'arrivée des envahisseurs aryens, possédait des conceptions religieuses remarquablement cohérentes fondées sur le culte de la déesse-Mère aux noms divers, que l'on connaissait aussi en Syrie et en Lybie: "L'Europe ancienne n'avait pas de dieux. La Grande Déesse était considérée comme immortelle, immuable et toute-puissante; et le concept de filiation par le père n'avait pas pénétrée la pensée religieuse. Elle avait des amants mais uniquement pour son plaisir et non pas pour avoir des enfants avec un père. Les hommes dans le système matriarcal, craignaient et adoraient la mère suprême et ils lui obéissaient. L'âtre dans la caverne ou dans la hutte était le plus ancien centre dans la société et le premier mystère était celui de la mère" (29).

Ensuite il dit à propos du mythe pélasge de la Création: "Dans ce système religieux archaïque, il n'y avait jusqu'alors ni dieux ni prêtres, mais seulement une déesse universelle et ses prêtresses, la femme dominant l'homme qui était sa victime apeurée. On n'honorait pas le père car on attribuait la conception au vent, à l'ingestion de haricots ou à un insecte avalé accidentellement; l'héritage passait par la ligne maternelle" (30).

F. Engels rappelle que lors du matriarcat, "tant qu'existe le mariage par groupe, la descendance ne peut être prouvée que du côté maternel, et que seule la filiation féminine est reconnue" (31). Avec l'évolution de la famille, introduite par l'élevage, et ceci chez les peuples sémitiques et les aryens en Inde, "le mariage apparié [introduit] dans la famille un élément nouveau. A côté de la vraie mère, il avait placé le vrai père, le père attesté [...]. Donc, au fur et à mesure que les richesses s'accroissaient [grâce à l'élevage], d'une part elles donnaient dans la famille une situation plus importante à l'homme qu'à la femme [...]. Cette révolution - une des plus radicales qu'ait jamais connu l'humanité - [décida] qu'à l'avenir les descendants des membres masculins resteraient dans la gens, et que les descendants des membres féminins en seraient exclus et passeraient dans la gens de leur père. Ainsi, la filiation en ligne féminine et le droit d'héritage maternel étaient abolis, la ligne de filiation masculine et le droit d'héritage paternel étaient établis" (32).

Ce détour par l'histoire et les mythes, donne consistance matérielle à l'énoncé lacanien: "La Femme n'existe pas". La Femme serait l'existence que l'on attendrait ici symétriquement à celle du Père. Cette existence assurerait alors la consistance d'un universel de femmes, en fixerait les limites et le pourtour. La Femme n'existera désormais que dans la psychose. Comme le dit E. Laurent, à propos de Lacan, c'est dans "la psychose [qu'] il précise que là et là seulement La femme existe" (33)

6. FIGURES DE LA FEMME

Nous allons tenter de montrer quelques unes des différentes figures de la "mythologie délirante" de La Femme.

Maleval signale que "On conçoit dès lors que Lacan puisse soutenir que "La femme [...] est un autre nom de Dieu". L'accent mis sur le pousse-à-la-femme chez le psychotique est corrélé à son approche comme "sujet de la jouissance". Quand la fonction paternelle se trouve symbolisée, elle fait rempart au rejet de La femme: le Père n'est qu'un semblant, affirme Lacan, qui "ex-sisterait à la place de vide où je mets La femme". Quand le masque paternel fait défaut surgissent des figures de la jouissance illimitée dont La femme constitue la plus évidente" (34).

Lacan remarquait cette ubiquité entre Dieu et La femme: "C'est à la place, opaque, de la jouissance de l'Autre, de cet autre en tant que pourrait l'être, si elle existait, La femme, qu'est situé cet Etre suprême, mythique manifestement chez Aristote, cette sphère immobile d'où procèdent tous les mouvements, quels qu'il soient, changements, générations, mouvements, translations, augmentations, etc." (35).

"Paradoxe, disent les Lefort, cette Femme-Toute n'est pas phallophore, comme le Père primitif, ainsi que le souligne Schreber de son Dieu: il n'est certainement pas pourvu d'attributs masculins.

La Femme-Toute donc, c'est du signifiant, mais qui fait réel.

[...] Cet Autre syncrétique a finalement tous les organes sexuels, internes et externes, sans différence de sexe, dans la perspective du Un unifiant, rassemblant ainsi sur lui les deux sexes.

C'est ce que résume Schreber en disant que son pénis se rétracte à l'intérieur pour rencontrer les organes féminins - d'où cette notion de coït sur lui-même: il a les deux sexes comme La-Femme-Toute" (36).

""Etre la femme qui manque à tous les hommes" est une solution psychotique car elle est posée en termes universels: il s'agit en fait d'être l'Autre de l'Autre. C'est la solution qui consiste, n'ayant pas trouvé de représentant dans le système symbolique, à s'en faire la substance" (37).

Nous pourrions ainsi passer en revue quelques unes des différentes figures de La femme: Dieu, l'Autre jouisseur, l'Autre de l'Autre, La femme des femmes, etc., toutes des figures qui tentent d'incarner cette place de l'exception qui pourrait fonder un universel côté femme.
 
 

II - LE POUSSE A LA FEMME ET LES STRUCTURES CLINIQUES DE LA PSYCHOSE - LA DIACHRONIE - LA PHENOMENOLOGIE

1. LE POUSSE-A-LA-FEMME, TRAJET IMAGINAIRE

Lors de son séminaire sur les psychoses, dont le sujet principal est le commentaire des Mémoires de Schreber, Lacan s’interroge: "La question se pose de savoir si nous nous trouvons devant un mécanisme proprement psychotique qui serait imaginaire et qui irait de la première entrevision d'une identification et d'une capture dans l'image féminine, jusqu'à l'épanouissement d'un système du monde où le sujet est complètement absorbé dans son imagination d'identification féminine" (38).

De cette façon est posé l’essentiel du problème qui nous intéresse ici, c’est-à-dire les effets imaginaires du pousse-à-la-femme: le trajet qui mène du premier fantasme schrébérien, à la construction d’un système global (une Weltanschaaung) où le sujet occupe la place centrale. Ce trajet manifeste un certain rapport du sujet à la jouissance, rapport qui n’est pas le même selon que le sujet occupe une position schizophrénique, paranoïaque ou paraphrénique.

Ce trajet du délire schrébérien était bien souligné dès le départ. Le Dr. Weber, un des experts qui examina Schreber, avait bien noté que "l'essentiel de sa mission rédemptrice résidera d'abord et avant tout dans l'accomplissement de sa transformation en femme" (39).

Ce trajet n’échappait pas à Freud lorsqu'il comparait son cas avec celui du peintre Haintzmann: "Monsieur le Président du Sénat reçut aux environs de sa cinquantième année de sa vie, la ferme conviction que Dieu - lequel porte du reste des traits manifestes de son père, le respectable médecin que fut le Dr. Schreber - avait pris la résolution de l'émasculer, de l'utiliser comme femme et de faire naître de lui des humains d'esprit schrébérien. [...] C'est la rébellion contre cette injustice divine, qui lui apparaissait hautement injuste et "contraire à l'ordre du monde", qui le rendit malade [...]. Le président du Sénat Schreber trouva la guérison lorsqu'il se résolut à abandonner sa résistance vis-à-vis de la castration et à se plier au rôle féminin que Dieu lui avait réservé" (40).

De cette façon Freud scandait les différentes positions subjectives de Schreber à l’égard du complexe d’Oedipe, de la castration, et de la féminisation, soulignant le renversement dialectique du Angst de la position masculine, au Wunsch de la position féminine.

2. SCHREBER, MAGNAN, FREUD ET LACAN

Schreber est donc à l'origine du concept de pousse-à-la-femme. Mais, s'interroge G. Morel, "la question est de savoir dans quelle mesure ce cas est paradigmatique pour la psychose" (41)? C’est ici que trouve son intérêt l’introduction du délire chronique à évolution systématisé de Magnan, dont l’évolution est marquée par quatre périodes: période d’incubation(marqué par l’inquiétude), période interprétative (interprétations et hallucinations font le lit de la persécution), période mégalomaniaque (les idées de grandeur apportent une certaine stabilité au sujet), et période de démence (qui est la fin logique pour ce psychiatre imbibé de la théorie de la dégénérescence de son maître Morel), car pour la plupart des écoles psychiatriques françaises, le cas du Président Schreber ne correspond pas à la Paranoïa, tel que nous l'entendons après Kraepelin.

Freud utilisait le diagnostic de " Paranoïa " dans son sens large, pré-kraepelinien, comme le montre le sous-titre de son article sur le cas Schreber, où il met entre parenthèses le diagnostic de "Dementia paranoïdes". P. Bercherie (42) analyse bien les avatars kraepeliniens de cette catégorie diagnostique, qu'à la période où Freud écrit son article (6ème éd.) ne fait pas partie de la Paranoïa.

Henri Ey, par exemple, dans le Traité des Hallucinations, dit à ce propos: "Pour nous qui considérons que les Délires chroniques sont un genre dont Paranoïa, Schizophrénie et Paraphrénie sont des espèces et même des phases du développement de la psychose supra, nous ne sommes pas embarrassé pour considérer le cas Schreber comme un cas de Délire parvenu à un stade de paraphrénie mégalomaniaque après une phase de systématisation paranoïaque" (43). Encore faudrait-il ajouter que la phase de déchéance que connut Schreber avant de mourir, constituait pour Henri Ey la " désagrégation schizophrénique " terminale du processus psychotique.

Cette question diagnostique n’échappait pas à Lacan, qui, dans une note en bas de page de sa Thèse, le rappelle: "Observons que ce cas, selon la classification kraepelinienne, doit être rangé dans les paraphrénies" (44). Il y reviendra plus tard dans le Séminaire sur Les Psychoses: "Schreber note au début de l'un de ses chapitres, très humoristiquement - On dit que je suis un paranoïaque. En effet, on est encore, à l'époque, assez mal dégagé de la première classification kraepelinienne pour le qualifier de paranoïaque, alors que ses symptômes vont beaucoup plus loin. Mais quand Freud le dit paraphrène, il va plus loin encore, car la paraphrénie est le nom que Freud propose pour la démence précoce, la schizophrénie de Bleuler" (45) (les Paraphrénies apparaissent comme clairement séparées de la schizophrénie et de la paranoïa dans la 8ème édition du Traité de Psychiatrie de Kraepelin, en 1913).

Maleval, dans son ouvrage consacré à la logique du délire, prenant appui sur Magnan et d'autres (Lévi-Valensi, Régis), intronise le cas Schreber, comme l'exemple type d'une paraphrénie systématisée, ayant traversé " toutes les phases de la logique délirante " pour "significantiser la jouissance". Cette évolution du délire de Schreber est bien soulignée par Lacan, lorsqu'il dit que c'est dans la clinique de Sonnenstein, que "son délire va passer par toute une série de phases dont il nous donne une relation extrêmement sûre, semble-t-il, et extraordinairement composée, écrite dans les derniers mois de cet internement" (46).

Schizophrénie, paranoïa, paraphrénie, diagnostics auxquels il faudrait ajouter la mélancolie évoquée à propos de certains épisodes du délire de Schreber, suffisent à faire de son cas un paradigme pour la psychose.

3. LA LOGIQUE DELIRANTE

L’épure de cette évolutivité du travail délirant le constitue pour Maleval, le Délire chronique à évolution systématique de Magnan. Maleval, donc, se basant sur une "phénoménologie de la jouissance" et le travail du sujet pour la "significantiser", selon l'expression qu'il attribue à C. Soler, élabore une "échelle des délires". Cette expression est aussi de Lacan, comme le signale Maleval: "le délirant, affirme-t-il le 11 janvier 1956, à mesure qu'il monte l'échelle des délires, est de plus en plus sûr de choses posées comme de plus en plus irréelles" (47). Cette échelle est quadripartite, comme les phases de l’entité de Magnan: "Si Po connote la carence paternelle, dit Maleval, P1 n'est pas sans évoquer paranoïde, P2 paranoïaque et P3 paraphrénique. Bien que ces tableaux psychiatriques soient fortement corrélés aux phases du délire, ils n'y correspondent pas exactement" (48); "Les transformations du délire ne s'effectuent pas par franchissement d'une période à une autre, l'imbrication de celles qui sont contiguës s'avère plutôt la règle, tandis que la coexistence d'éléments appartenant à plusieurs d'entre elles s'observe parfois. Les étapes décrites [...] constituent des organisations instables, elles sont principalement à retenir pour le schéma de logique évolutive qu'elles permettent de dégager" (49). Cette " échelle des délires " est propre à éclairer la logique du pousse-à-la-femme:

4. PO, PERIODE D’INCUBATION, EBAUCHE DE FEMINISATION DE SCHREBER, DEBUT DE LA SCHIZOPHRENIE.

Pour Schreber et le pousse-à-la-femme, nous pouvons situer ce moment logique en Octobre 1893, après avoir subi un premier "effondrement nerveux", paroxysme d'angoisse, tentative de suicide et envahissement de craintes hypochondriaques. A cette perplexité initiale suit l'établissement d'une énigme qui le situe déjà dans la pente féminisante de la psychose: "Un jour, cependant, un matin, encore au lit (je ne sais plus si je dormais encore à moitié ou si j'étais déjà réveillé), j'eus une sensation qui, à y repenser une fois tout à fait éveillé, me troubla de façon étrange. C'était l'idée que, tout de même ce doit être une chose singulièrement belle que d'être une femme en train de subir l'accouplement" (50).

Il existe des fortes concordances avec les premiers moments de la Période d'incubation du Délire décrit par Magnan: "A cette époque ils pourraient être pris pour des hypochondriaques. Peu à peu il leur semble qu'on les observe, qu'on les regarde de travers, qu'on les dédaigne et qu'on les méprise; ils doutent, hésitent, restent flottants au milieu d'idées variées, acceptées d'abord, repoussées ensuite, admises peu à peu et donnant lieu enfin à des interprétations délirantes" (51).

"Lacan a centré son effort sur l'isolement de ce mécanisme formateur dans lequel Freud recommandait de chercher le trait distinctif, et a donc isolé la forclusion parmi les différentes formes de rejet, suivant à la lettre le conseil de Freud. Il a également centré son effort sur les rapports au père de la castration dans la Métaphore paternelle avec son rôle de la production du j , dont l'absence amènera le pousse-à-la-femme" (52). Ce premier moment du délire est dénommé Po. Pour Maleval "Le trou dans l'imaginaire, la perplexité, l'autonomisation du signifiant, l'attitude interrogative, l'énigme, tous ces phénomènes constituent une conséquence directe de la carence de signification phallique" (53). Deux phénomènes cliniques, intimement associés, constituent les faits prévalants à ce moment: la délocalisation de la jouissance et l'établissement d'une énigme.

Une des conséquences de cette mobilisation du signifiant le constitue le phénomène appelé "mort du sujet", repéré par Lacan grâce aux indications précises de Schreber. L'absence de la signification phallique, pour S. Aparicio "se fait sentir dans "ce désordre provoqué au joint le plus intime du sentiment de la vie" qui aboutit aux fantasmes de fin du monde et à cette mort subjective (cf. le "meurtre d'âmes" schrébérien) qui, la clinique nous le montre, rend si peu supportable au psychotique la poursuite de son existence" (54).

Maleval signale que "C'est au phallus qu'est dévolue la fonction d'opérer ce joint entre signifiants de l'Autre et jouissance du sujet pour donner à celui-ci le sentiment de la vie. [...] "L'épinglage de la signification du sujet sous la signification phallique, note Jacques-Alain Miller, on peut admettre que c'est la condition pour que le sujet, illusoirement, ait le sentiment d'être vivant, et telle que Lacan la reprend dans Schreber, cette mort du sujet traduit le moment où le sujet est coupé de sa valeur phallique" (55).

Cet "intervalle", selon l’expression de Lacan, se situe entre le déclenchement de la psychose en 1893 et la "solution" du conflit deux ans après. "L'intervalle dont il est question, dit E. Théodoridis, la mort du sujet a une certaine durée. Il s'agit d'un temps logique et décisif pour la construction de la métaphore délirante, c'est une sorte de point zéro à partir duquel une construction devient possible" (56).

Le cas Robert rapporté par Sven Follin (57) illustre clairement ce moment. Après une maladie sérieuse et invalidante de son père, Robert, alors âgé de 31 ans, déclenche sa psychose: "Maman, je ne me reconnais plus, je n'existe plus, je mange mais mon corps n'existe plus" et il menace de se suicider ce qui provoque une hospitalisation. Follin signale que le tableau à l'entrée à l'hôpital n'est pas évident de schizophrénie, mais évoque plutôt une dépression psychasthénique avec préoccupations hypocondriaques: "C'est un sujet inquiet, perplexe, qui cherche l'expression exacte de la douleur morale qu'il ressent […]. Il se plaint de troubles digestifs, de manque d'appétit, de constipation. […] Il a le sentiment confus qu'il n'existe plus". Plus tard, Robert dira lui-même de son vécu: "Au moment de la crise, je me suis senti devenir une femme, puis toute individualité disparut complètement de moi, et à l'intérieur de la poitrine, s'anéantir un choc à l'estomac, mes intestins se tordent, et des démons s'emparent de moi complètement, et pourtant je ne veux pas, je ne veux pas, je n'ai jamais voulu devenir un être pareil [...]. J'ai une peur et une méfiance des autres, je ne saisis plus le sens des paroles et j'ai une peur atroce me sentant diminuer de jour en jour, que des crises plus fortes me anéantissent… […] Tous mes sentiments sont morts, je pense que d'un moment à l'autre, je vais devenir un inverti ou bien mourir. Faites en sorte que je ne sois pas une loque au pouvoir des autres. Isolez-moi je vous en supplie".

Henri Ey disait du destin du schizophrène qu'il était "une sorte de "fin du monde", une manière-de-ne-plus-être-au monde", de limiter et d'assigner un terme à l'existence", et pour lui l'autisme était l'enkystement et la sclérose du "désèchement, le déperissement de l'être psychique" (58). Il rappelait d'ailleurs que le délire des schizophrènes "C'est un délire sans progrès discursif, un délire qui ne marche pas, qui demeure stéréotypé et cristallisé dans ses fragments épars" (59), mettant ainsi l'accent sur la non-évolutivité du délire schizophrène. La suite de l'observation de Follin va montrer cette construction autistique s'étendant sur près de trente ans, et Robert fini sa vie entre l'hôpital et son domicile, replié du monde.

5. P1, PERIODE D’INQUIETUDE, MORT DU SUJET CHEZ SCHREBER, DELIRE PARANOÏDE SCHIZOPHRENIQUE.

Les phénomènes que Schreber va à montrer pendant cette période, qui s’étend jusqu’à 1895, constituent des éléments cliniques observables dans le délire paranoïde de la schizophrénie. En particulier ce rapport à la jouissance caractéristique que E. Laurent met bien en tension lors d’un commentaire des définitions de Lacan: "En rapprochant les deux définitions, le retour de la jouissance dans l'Autre qualifiant la paranoïa, et le retour de la jouissance dans le corps qui complète, nous obtenons une distribution des expériences énigmatiques de jouissance dans la paranoïa et la schizophrénie" (60).

Rayons, volupté, déréalisation, pollutions nocturnes..., pour dialectiser cette énigme qui constitue cette jouissance du corps, qui le féminise et qui lui donne "le sentiment d'avoir à résoudre une des plus graves difficultés qui jamais furent posées à un être humain" (61), Schreber va tenter différents versions d’un délire que nous pouvons facilement qualifier de paranoïde.

Dans le tableau de Magnan nous sommes toujours à la Période d’inquiétude: "ils doutent, hésitent, restent flottants au milieu d’idées variées, acceptées d’abord, repoussées ensuite". Il illustre cette période avec le cas d'un malade qui se disait " temporalisé ", néologisme avec lequel il signifiait sa féminisation: "Sa fiancée avait glissé dans son corps par un orifice de la région temporale, superposant ses organes aux siens, les yeux aux yeux, le nez au nez, l'ombilic à l'ombilic, etc.., et, comme il se trouvait dans un service d'hommes, cette double personnalité, homme et jeune fille, le mettait dans le plus grand embarras. Au moment de lever et du coucher, il s'empressait, avec la pudeur d'une jeune fille, de tirer sa chemise et de se coucher; il avait habituellement dans le service une attitude spéciale: il tenait constamment ses jambes croisées pour protéger sa virginité" (62).

"L'énigme qui se trouve à l'origine du délire persiste, dit Maleval, lors de P1, puisque cette période se caractérise par une énorme mobilisation du signifiant, qui s'efforce de la résoudre, sans encore y parvenir. [...] Pour ce qui est de P1 le syndrome le plus caractéristique apparaît résider dans le délire paranoïde" (63).

Schneider S., Harrison S. et Siegel B. (64), rapportent un cas de féminisation psychotique propre à illustrer nos propos. Il s'agit d'un sujet, disent les auteurs, qui a expérimenté des " changements cycliques de la sexualité ", qui ont finalement abouti à son autocastration. Ce cas illustre bien comment le schizophrène ne se défend pas du réel avec le langage, mais, entre autres, avec le passage à l'acte automutilatoire. "Dans la perspective schizophrénique, dit Miller, le mot n'est pas le meurtre de la chose, il est la chose. [...] Pour le paranoïaque, le mot n'est pas assez le meurtre de la Chose, puisqu'il lui faut à l'occasion frapper la chose, le kakon, en l'Autre" (65). Ici, le schizophrène frappe la chose, qui est son propre corps: confusion entre l’organe et le signifiant. Comme le signale Maleval, "Afin d'échapper à l'angoisse inhérente à Po, qui rend cette position hautement instable, plusieurs stratégies s'avèrent possibles. L'une d'entre elles oriente le sujet vers le passage à l'acte sacrificiel" (66).

Sur l'histoire du patient, les auteurs de l'article signalent que le patient, aussi loin qu'il peut se souvenir, se serait toujours senti "mal à l'aise" avec son rôle de garçon. Il présente une cryptorchidie bilatérale diagnostiquée à l'âge de 6 mois. A l'âge de 10 ans, lors d'un contrôle sanitaire à l'école, une circoncision à ce sujet est recommandée, mais ses parents ne donnent pas suite aux conseils. Les premiers moments de jouissance débridée, de délire de transformation corporelle, sont rapportés à l'âge de 16 ans: le patient pense que sa poitrine augmente de taille. Rien d'autre ne se passe en apparence et le sujet fait son service militaire normalement à l'âge de 20 ans. Un examen physique y est effectué et aucune anomalie n'est constatée, selon les auteurs de l'article, qui n'auront de cesse de chercher l'origine organique des dires du patient, partageant en partie son délire.

Le patient dit avoir apprécié l'armée, et il a tenté de rester aussi longtemps qu'il l'a pu. Puis il rentre à la maison à l'âge de 22 ans, et travaille dans le magasin de ses parents. Quelques mois après, il subit une intervention chirurgicale, suite à une blessure à la cheville. C'est à la suite de cette intervention orthopédique, à laquelle il s'est beaucoup intéressé d'après les chirurgiens, qu'il commence à noter que la distribution adipeuse de son corps était en train de changer: les hanches devenaient plus rondes et ses fesses plus féminines. 6 mois après, une deuxième intervention chirurgicale, une appendicectomie, est effectuée en urgence, et le sujet se rappelle avoir été intéressé par "l'appendice rouge et saignant".

Ces interventions sur son corps, déclenchent une féminisation croissante. Le malade pense que sa poitrine devient protubérante, que sa voix monte de plusieurs octaves, qu'il n'a plus à se raser, et que les formes féminines de son corps en général sont plus marquées.

Le processus de féminisation se prolonge jusqu'à l'âge de 26 ans. Soudainement, sans raison apparente, il note une "rémasculinisation". Cela l'inquiète, et il décide de consulter un certain nombre de livres de médecine et d'endocrinologie, afin de saisir ce qui se passe dans son corps. Il se sent de plus en plus inquiet au fur et à mesure que le processus continue. Il ressent cette période de masculinisation, comme "une épreuve". Cette période dure environ 8 mois, ensuite le processus de féminisation recommence, sans raison non plus, ce qui le tranquillise. Il se prend en photo, où il occulte son pénis entre ses jambes. Il pense qu'il peut passer d'une façon convaincante pour une femme.

La "reféminisation" continue jusqu'à l'âge de 28 ans, lorsqu'il ressent une nouvelle période de masculinisation. Progressivement le patient sent qu'il ne pourrait pas supporter un autre "cycle" et décide de s'enlever les testicules lui-même. Avec des lames de rasoir, dans sa salle de bain, il procède à l'automutilation. Il est amené à l’hôpital pour éviter le saignement. Après cette automutilation, une période de féminisation s'ensuit, mais très rapidement suivie d'une nouvelle remasculinisation. Moins d'un an après il fait une tentative d'amputation de son pénis, le serrant à la base avec un lacet en caoutchouc. 48 hs. après il se présente de lui-même aux urgences d'urologie, demandant être vu par un médecin. Après les soins chirurgicaux, qui lui ont permis de sauver son pénis, il est envoyé dans un service de psychiatrie.

Pendant son hospitalisation en psychiatrie, les auteurs ne remarquent pas de particularités, hormis une façon bizarre de marcher, avec son pelvis en avant. Il se montre très anxieux et se dit "trompé" d'être à l'hôpital. Se dit manipulé, se sent épié, testé dans ses réactions. Pour les auteurs, mise à part cette "anxiété", le patient ne manifeste pas d'hallucinations ni de conduites bizarres. Ces phénomènes vont s'atténuer tout au long de son hospitalisation. Le patient tente de convaincre ses médecins de la "nécessité" de son devenir femme. Il revendique son statut d' "hermaphrodite", et demande une "solution finale", car il n'est pas sûr s'il est homme ou femme après son automutilation. Les auteurs signalent, que plus encore que paraître une femme, il souhaite faire disparaître tout signe de masculinité. L'hospitalisation prendra fin lorsque la mère du patient le fait sortir. Six mois après, l'équipe médicale est contactée par courrier par un médecin urologiste, qui leur communique que le patient a effectué quelques semaines après sa sortie une émasculation, cette fois-ci définitive.

6. P2, PHASE INTERPRETATIVE, DELIRE DE PERSECUTION PARANOÏAQUE, ENTMANNUNG ET VERSÖHNUNG CHEZ SCHREBER.

"Pour qui a assumé la loi de castration, la jouissance se trouve localisée en un objet perdu représenté par le signifiant phallique. Pour le psychosé, lors de Po et P1, elle se trouve dispersée en son corps, en des hallucinations, en des intuitions incertaines. Il n'en est plus de même s'il parvient à élaborer une systématisation paranoïaque caractérisée par Lacan comme identifiant la jouissance dans le lieu de l'Autre" (67). Il s’agit donc d’un premier renversement des rapports entre le sujet et la jouissance: de la jouissance du corps à la jouissance de l’Autre.

Magnan appelle cette période Phase Interprétative: "Le vague peu à peu s’efface: à l'hésitation, succède la certitude, et, fortifiées par toutes ces preuves, ses convictions deviennent inébranlables. Dans cet état d'esprit, le patient, toujours sur le qui vive, épie, écoute, surprend, dans une conversation, une phrase qu'il s'attribue; c'est l'interprétation délirante; ou se trouve blessé par tel mot insignifiant, mais dont le son présente quelque analogie avec une injure grossière, et qu'il confond avec celle-ci; c'est l'illusion. Puis l'idée constante d'une persécution, la tension incessante de l'intelligence finissent par éveiller le signe représentatif de la pensée, l'image tonale, c'est-à-dire le mot, l'hallucination auditive se produit. La barrière est alors franchie, et le malade entre dans la seconde période, celle des hallucinations, des troubles de la sensibilité générale et du délire de persécution" (68).

La localisation de la jouissance dans l’Autre caractérise la Paranoïa. Nous avons choisi des cas cliniques de sujets féminins, ce qui permet de montrer que la logique du pousse-à-la-femme est identique chez les hommes que chez les femmes. Les premières ébauches de féminisation psychotique chez une femme, peuvent être masquées par le fait qu’il s’agit justement de sujets de sexe féminin. Le caractère psychotique est cependant marqué par l'aspect intrusif, persécutif, incarnée dans un Autre de la jouissance dont le sujet n'accepte pas l'initiative. Comme le témoignent bien ces exemples de Magnan:

"Obs. VIII.- Jeanne Lec... [...] Dans ses prédications à l'église, il y a dix ans, ce curé faisait des allusions à sa personne et la poussait à se livrer à lui; il donnait à entendre qu'elle était belle femme, bien conservée, et qu'il l'accueillerait volontiers chez lui. Elle proteste de la régularité de sa conduite, elle n'a jamais eu de relations, dit-elle, ni avec lui, ni avec d'autres" (69).

"Obs. X - Mme. Cor... [...] On lui introduit dans le corps des machines longues comme des boyaux, des fils de fer; une tête empoisonnée a pénétré dans sa tête, un corps de femme s'est introduit dans son propre corps, elle durcit, se gonfle, fait des bosses quelques fois. Elle s'est donné des coups de marteau sur le ventre pour crever cette malencontreuse visiteuse. Parfois elle prétendait que la personne qui s'introduisait dans son corps se substituait à elle, et avait à sa place des relations avec son mari. [...] Quelquefois les relations avec son mari sont très douloureuses; parfois, enfin, elle a des rapprochements sexuels avec un individu qu'elle sent, mais qu'elle ne voit pas; elle reste assise sur sa chaise et éprouve les mêmes sensations voluptueuses" (70).

"Obs. XI - Mme. H.... [...] Elle prétend que, dans la rue, des gens qu'elle ne connaît pas, dit-elle, lui disent des injures [...] "Mais tu n'entends donc pas? on dit que je me conduit mal, on m'appelle Vénus, Eve; on me traîne dans la boue ... [...] Elle raconte, d'une part qu'on la martyrise parce qu’elle est puissante par la grâce de Dieu; Dieu l'a faite impératrice de la Sainte-Croix; il fait des miracles pour elle, tous les obstacles disparaissent, elle débloque tout sur son passage. D'autre part, elle prétend qu'elle devrait être maîtresse sur les affaires de l'Etat" (71).

Sérieux et Capgras (72) rapportent une observation de féminisation psychotique chez une femme: "Obs. VI. - Mme X... [...] Elle raconte que dans son enfance elle a été exposée aux plus grands dangers, mais Dieu l'a protégé. "Ces terribles épreuves semblaient, dit-elle, me préparer aux combats incessants qu'ensuite il m'a fallu livrer". A treize ans elle est soumise à des "épreuves physiques, intellectuelles et morales". Plus tard on profite d'une adénite inguinale pour la "torturer" [...]. On l'accuse de vices contre nature parce qu'elle est atteinte d'herpès. Elle est victime "d'indélicatesses multiples dont on se sert pour effleurer sa virginité". Son oncle l'ayant embrassé avec trop d'effusion, elle croit qu'il a l'intention d'abuser d'elle pendant son sommeil et se barricade dans sa chambre. Elle se croit remarquée par tous les hommes".

Le cas de Marthe, patiente de D. Lagache (73), est plus détaillé. Il s'agit d'une femme de 31 ans, amenée à l'hôpital à cause d'une jalousie morbide et d'actes délirants. Le délire se déclenche à l'occasion de la troisième grossesse de la patiente, quelques mois après d'avoir subi une fausse couche. Sur son passage "on fait des réflexions, on laisse entendre que l'enfant qu'elle attend n'est pas de son mari; [...] la directrice d'un dispensaire dit d'elle qu'elle a bonne façon, mais quelqu'un lui répond: "Pas au point de vue conduite". En somme, elle se croit accusée précisément de l'adultère qu'elle reproche à son mari". Deux ans après, "le délire prend corps essentiellement dans ses rêves dont Marthe rapporte des visions et "des lambeaux de phrase, des fusées de mots" qu'elle cherche à compléter, interpréter, relier. [...] Le mari devient le principal persécuteur. [...] A la faveur du sommeil il se livre sur elle à des abus sexuels: elle a l'impression qu'il lui prend quelque chose qu'il porte à sa bouche. Ainsi il la "vide" et la prive d'un "don" qu'il donne à sa maîtresse. [...] La nuit les phénomènes d'emprise reprennent: électricité, coups dans le côté". Un soir, quelque chose lui dit d'aller trouver un prêtre. Elle se rend chez un abbé qui lui parle d'exorcisme. Elle était soulagée, tranquille, à tel point qu'elle a connu peu de jours pareils dans la vie.

Une voix lui dit de " faire son devoir d'épouse ". Elle se sent à la fois repoussée et attirée par son mari. Elle a le désir de se garder pure pour autre chose. Progressivement elle se montre agitée, voulant frapper son mari au niveau des organes génitaux. C'est dans ces conditions qu'elle est hospitalisée. Lagache constate qu'elle est amoureuse de l'Abbé. Dans ses rêves, elle perçoit des propos selon lesquels elle serait reine, serait "l'étoile". Elle a l'âme de la Sainte Vierge, mais on lui a retiré une partie. "Si une valeur de pêché s'attache à ses rapports avec son mari une valeur vertueuse s'attache à ceux qu'elle aura avec l'abbé de C. et seulement avec lui. La nuit elle aurait des relations sexuelles avec lui, elle éprouverait une jouissance qu'elle n'a jamais connue avec son mari. Après un rapport sexuel, l'abbé de C. aura le don de vie, c'est-à-dire une attitude éminente à faire le bien".

Dans une lettre adressée à Lagache elle dit: "Je puis dire aujourd'hui, sans orgueil, sans forfanterie, que j'ai été un instrument à la cause divine, sous une force spirituelle supérieure à la mienne. [...] D'après mes rêves [...] quand j'aurai donné la vie, je pourrai guérir, éclairer, soulager les âmes vivantes, soulager les défunts [...]. Aidez-moi, monsieur Lagache, à retrouver ma Lumière et à accomplir l'oeuvre que Dieu attend de moi".

Dans une lettre à sa fille elle affirme: "Quand tu l'auras lue avec soin, tu comprendras l'acte que j'ai été accomplir à Saint Pierre de Montmartre le 8 ou le 10 août 1935. Possédant l'âme de la sainte Vierge, sainte à la terre, c'est ma lumière divine, c'est mon corps qui a eu l'honneur d'accomplir cet acte; rappelle toi mon attitude, mon visage, ce jour-là, la détente de mes mains aux pieds de la sainte Vierge ce jour-là, mon léger tremblement". C'est son "mariage" avec l'abbé, qu'elle décrit dans ce passage. Peu après elle sera transférée au service du Dr. Capgras, deux ans après son admission, sans que son état ait trouvé de stabilisation. Les ressemblances avec le cas Schreber illustrent, encore une fois, l’identité du processus chez l’homme que chez la femme.

Cette période, P2 est celle de la "protestation virile" d'Adler: "Le sujet perçoit [...] les sentiments les plus variés de diminution, d'humiliation, d'infériorité sous l'aspect symbolique du manque de virilité; il est hanté par des idées de castration, il se voit avec horreur jouer le rôle de femme dans les rapports sexuels, il est obsédé par la crainte de la conception de la grossesse, mais aussi par des idées de persécution, de piqûre, de blessure, de chute. [...] Des fantaisies portant sur la grossesse lui inspiraient la sensation humiliante d'un rôle féminin et alternaient souvent avec des idées de castration et des fantaisies dans lesquelles il se voyait transformé en femme" (74).

A propos de Schreber Freud notait: "Dieu, [...] avait pris la résolution de l'émasculer, de l'utiliser comme femme et de faire naître de lui des humains nouveaux d'esprit schrébérien. [...] C'est la rébellion contre cette intention divine, qui lui apparaissait hautement injuste et "contraire à l'ordre du monde", qui le rendit malade; sa maladie pris la forme d'une paranoïa" (75). Le refus de Schreber face à l’éventualité d’une éviration est caractéristique de la position masculine dans l’Oedipe freudien. La jouissance est localisée dans l’Autre, mais c’est un Autre persécutif. Lacan soulignait, lui aussi, cet aspect persécutif qu'avait pris la sexualité du président Schreber lorsqu'il évoquait "le champ d'agression érotisée" (76) dans lequel le sujet se trouvait du fait de l'intervention d'Un-père dans le champ imaginaire a-a'.

La menace de Dieu est rendue par Schreber par le terme Entmannung, qui n’est pas sans rapport avec la mort du sujet. "Le sujet, dit G. Morel, peut s'identifier à son être de vivant, pour autant que sa signification est épinglée sous le signifiant du phallus, ce qui est corrélatif de l'affectation légitime du pénis. L'effet de la forclusion implique alors logiquement qu'"être forclos du pénis", qui correspond phénoménologiquement à l'Entmannung, se marque par la "mort du sujet", repérable cliniquement comme régression topique au stade du miroir" (77).

Devant la figure d’un Autre persécuteur, entmannung et mort du sujet intimement liés, Schreber, qui est un sujet raisonnable, explique son choix: "Je serais curieux qu’on me montre quelqu’un qui placé devant l’alternative ou de devenir fou en conservant son habitus masculin, ou de devenir femme mais saine d’esprit, n’opterait pas pour la deuxième solution" (78). C’est en Novembre 1895, qu’il se produit un nouvel renversement dialectique de la position de Schreber à l’égard de l’entmannung. Il consent à l’éviration ce qui est rendu, dans son langage, par le terme Versöhnung. Lacan dit à propos du terme choisi par Schreber: "le mot a le sens d'expiation, de propitiation, et, vu les caractères de la langue fondamentale, doit être tiré encore plus vers le sens primitif de la Sühne, c'est-à-dire vers le sacrifice" (79). Ce sacrifice est propre à rappeler le sacrifice de jouissance qu’implique pour chaque être humain, le fait d’être pris dans l’ordre symbolique. Maleval le rappelle: "Prendre en compte la Versöhnung, en soulignant la perte de jouissance qui lui est inhérente, met en évidence que la logique à l'oeuvre dans le travail du délire implique un savoir sur le fait que tout parlêtre, fut-il psychotique, se trouve soumis au décret de la castration" (80).

7. P3, PERIODE AMBITIEUSE DE MAGNAN, PARAPHRENIE, VERWLEIBICHUNG CHEZ SCHREBER.

"Arrivé à la phase ultime du délire, le psychosé [...] se trouve en plein accord avec la néoréalité qu'il a construit. Il consent à la jouissance de l'Autre parce qu’il possède la certitude que, grâce à l'expérience de celle-ci, il est parvenu à l'acquisition d'un savoir essentiel. Bien souvent, ce dernier lui a été délivré par une toute-puissante figure paternelle dont il se fait le porte-parole, voire l'incarnation. [...] L'affrontement cesse pour les rares psychosés qui parviennent à pousser l'élaboration de la métaphore délirante jusqu'à P3. Un sentiment de communion avec le Père s'impose, de sorte que la mégalomanie connaît là ses réussites les plus hautes" (81).

De P2 à P3, le sujet passe de l'identification de la jouissance dans l'Autre au consentement à la jouissance de l'Autre, Ceci correspond cliniquement, de manière assez approximative, dit Maleval, "à un glissement de la paranoïa à la paraphrénie systématique" (82). "Si les paranoïaques et les paraphrènes partagent une même attitude à identifier la jouissance de l'Autre, ils se distinguent en ce que les premiers se révoltent contre l'Autre jouisseur, tandis que les seconds s'en accommodent" (83).

Pour Magnan c'est la Période ambitieuse: "A mesure que la maladie progresse et au bout d'un temps variable, suivant chaque individu, il se fait une transformation singulière du délire; aux idées de persécution succèdent des idées de grandeur. [...] L'idée délirante est alors émise toujours de la même manière et comme stéréotypée" (84).

Kraepelin rapporte le cas d'un patient "qui se sentait en état de grossesse, il s’autonommait Francisca, il souhaitait qu'on le libère des ses organes génitaux, qu'on le place à l'Hôpital de la Maternité, et il voulait devenir la plus belle femme du monde" (85). Mais sans aucune doute c'est le président Schreber qui est l'exemple paradigmatique de paraphrénisation du délire, réussissant le pousse-à-la-femme: "L'hostilité de Dieu à mon encontre perd toujours davantage de son tranchant et [...] le combat mené contre moi prend des formes qui toujours plus prêtent à la conciliation et annoncent peut-être la complète communauté de vues; les nerfs divins, en effet, après une brève interruption, retrouvent en mon corps cela même à quoi ils avaient dû renoncer justement du fait même de l'attraction; la béatitude ou volupté d'âme [...]. Le cours des choses apparaît donc comme le triomphe grandiose de l'ordre de l'univers, triomphe auquel, pour sa modeste part, je crois avoir contribué" (86). Le renversement dialectique face à la menace de castration, le passage du Angst au Wunsch, constitue le pivot qui permettra la transformation en femme, la Verweiblichung, pour donner naissance à une nouvelle humanité d'esprit schrébérien.

Ainsi, comme le dit Morel, l’enjeu n’est plus la dialectique de l’avoir, mais celle de l’être: "L'Entmannung est l'effet de la forclusion sur "avoir le phallus", tandis que la Verweiblichung se substitue à "être le phallus"" (87). Dans le consentement de la jouissance de l'Autre, Schreber accepte de devenir la Femme de Dieu, l'Autre de l'Autre. La féminisation est présente chez Schreber sous trois formes: l'idée de devenir la femme de Dieu pour créer une nouvelle humanité, ensuite celle d'une expérience de jouissance consentie qu'il décrit à la fois comme une volupté féminine éprouvée partout dans son corps, et enfin la pratique transsexualiste à laquelle il se livre dans la solitude.

Le pousse-à-la-femme arrive donc à son ultime stade, avec l’apaisement du sujet. Phénomène très clairement énoncé par Freud: "Le conflit et la maladie peuvent à présent prendre fin. Le sens de la réalité, néanmoins, qui s'est entre temps renforcé chez le patient, le contraint à ajourner du présent dans un avenir lointain la solution trouvée, à se contenter, pour ainsi dire, d'une réalisation asymptotique de son désir" (88).

Nous devons peut-être ajouter ici que Schreber a été plus fidèle à Magnan qu’à Freud. En 1907, il est réhospitalisé après la mort de sa mère et la maladie de sa femme dans un état de démence qui constitue la dernière étape du délire chronique systématisé de Magnan.

8. LA PSYCHOSE MANIACO-DEPRESSIVE, ET LE POUSSE-A-LA-FEMME.

A première vue, le pousse-à-la-femme n'est pas la voie d'élection dans la psychose maniaco-dépressive. Cependant, selon une certaine lecture des phénomènes mélancoliques, quelques manifestations de féminisation seraient impliquées.

Le syndrome de Cotard, constituerait une des ces manifestations. H. Ey cite le travail de Cotard sur le délire d'énormité: "Si l'on examine avec un peu d'attention ces immortels on s'aperçoit que quelques uns d'entre eux ne sont pas seulement infinis dans le temps mais qu'ils le sont encore dans l'espace. Ils sont immenses, leur taille est gigantesque, leur tête va toucher les étoiles. [...] Quelquefois le corps n'a plus de limites, il s'étend à l'infini et fusionne avec l'univers. [...] Bien loin que cette énormité soit une compensation au délire mélancolique, elle en marque, au contraire, le degré le plus excessif. Ils sont lamentables, gémisseurs et désespérés. Il faudrait être un psychologue bien naïf pour ne pas deviner que là même, l'amour propre finit par trouver son compte. Le symbolisme du langage, les idées d'énormité, le sentiment d'une jouissance malfaisante, il est vrai, mais inhumaine s'accordent mal avec une véritable humilité" (89). C’est aspect de la jouissance du mélancolique, bien pointé par Cotard, permet à Czermack de faire le rapprochement avec le pousse-à-la-femme. Il note à propos d'un mélancolique "On y discerne comment un sujet manifestant qu'il a perdu son nom voit simultanément cette perte s'accompagner de pétrification temporelle et l'éjecter hors du temps, dépourvu de parents, de naissance, de sexe, devenu unique, devenu le grand UN" (90). "L'absence de division de Cotard ramène le sujet à sa sphéricité imaginaire d'homme primordial. [...] Sphéricité imaginaire de l'homme primordial, qui attire à lui toutes les particules de l'univers, cette espèce de quasar, de trou noir, se fait lui-même trou, faute d'être troué, il est dans le trop plein, il est un tout, un univers, un universel" (91). Ce Un qui serait un Tout, peut figurer La femme toute, un des Noms-du-Père: "Sentiment partagé, rappelons-le aussi, par le transsexuel qui se fonde sur le vœu d'être la femme, et qui estime que tant qu'il ne la sera pas devenue, il restera en bordure: mais son erreur est d'estimer qu'à se situer au lieu d'où, imaginairement, toutes choses procéderaient - Eve des temps futurs ou Père universel - un comptage serait possible, alors que, précisément cette place l'exclut [...]. Cette femme énigmatique, c'est bien évidemment la femme originaire, enveloppe de l'univers, dont l'étude du Cotard nous livre une large partie de sa structure" (92).

En revanche, dans la manie délirante, si proche de la paraphrénie expansive, Kraepelin décrit chez les femmes des phénomènes nets de féminisation psychotique: "Les femmes se disent reines du ciel et de la terre, l'Immaculé Conception, des esprits féminins, la mère de l'enfant des bruyères, elles ont un enfant de Dieu, elles vont dans le ciel rejoindre leur fiancé: Jésus-Christ leur a rendu leur innocence. Le Diable a disparu: la malade a pris sur elle toutes les souffrances du monde: la terre est maintenant une terre merveilleuse" (93). La pente féminine de la psychose est ici indéniable.

CONCLUSION

Le trajet imaginaire du délire de Schreber, qui, comme Lacan le soulignait bien va de la première entrevision d’une capture dans une image féminine, jusqu’à l’épanouissement d’une conception du monde où la transformation en femme est la clef, montre le renversement dialectique de l’attitude, selon les termes de Freud, face à la castration, face au Père du complexe d’Oedipe: transformation du Angst propre de la position masculine, en Wunsch de la position féminine. Il montre aussi les différents rapports entre le sujet et la jouissance: d’abord jouissance du corps, ensuite localisation dans l’Autre vécue dans un premier temps comme persécutive, pour être enfin acceptée et accueillie favorablement. Ces différents rapports sont propres à rendre compte de l’évolution délirante du Délire chronique à évolution systématique de Magnan, et des positions qu’on peut rapprocher de la schizophrénie, de la paranoïa et de la paraphrénie.

Finalement nous souhaitons souligner le fait que l’évolution "démentielle" du cas Schreber suffit à ôter toute notion de progrès, au sens hégélien du terme, à cette progression du pousse à la femme. "Pouvons-nous parler de processus de compensation, et même de guérison, dit Lacan, comme certains n'hésiteraient pas à le faire, sous prétexte qu'au moment de la stabilisation de son délire, le sujet présente un état plus calme qu'au moment de l'irruption du délire? Est-ce une guérison, ou non? C'est une question qui vaut la peine d'être posée, mais je crois que ce ne peut être que dans un sens abusif qu'on parle ici de guérison (94)".

Références:

- Le Pousse à la femme: Structure Logique et Structures Cliniques, Mémoire pour l'obtention d'un D.E.A. de Psychanalyse, Département de Psychanalyse, Université Paris VIII, 1996.

- Le Pousse à la Femme et les Structures Cliniques de la Psychose, L'Essai, Revue clinique annuelle, Publié par le Département de Psychanalyse, Université de Paris VIII, Juin, 1999, pp.151-166.

Annexe
(Extrait du Curso de Formation Básico en Psiquiatría, Universidad Nacional de Córdoba, Dr E. L. Mahieu, 1989, modifié)

1842: naissance.
1861 (19 ans): Mort du père.
1878 (36 ans): Mariage.

1er épisode: Dépression. 1ère hospitalisation (6 mois).
1884 (42 ans): Candidat à la Chambre Basse (Reichstag).
Oct-Déc. 1884: Hospitalisé à Sonnenstein. Dr. Weber.
Déc-Juin 1885: Hosp. à la Clinique Psychiatrique Universitaire de Leipzig. Pr. Fleschig
1886 (44 ans): Reprise du travail au Tribunal Régional de Leipzig.

2ème épisode: Délire. 2ème hospitalisation (9 ans du 21.11.93 au 20.12.02).
1893 (51 ans): 1er Oct., commence son activité de Senatspräsident du Tribunal Supérieur de Dresde, Saxe.
Nov. 1893 (52 ans): Hospitalisé à la Clinique Psychiatrique Universitaire de Leipzig. Pr. Fleschig
Juin 1894: Transféré à l’Asile de Sonnenstein. Dr. Weber.
1900-1902: Ecrit les Mémoires. Débute le procès judiciaire pour lever son hospitalisation forcée.
14 Juillet 1902: Le Tribunal se prononce pour la levée de l’hospitalisation.
20 Déc. 1902: Sortie de l’hôpital.
1903 (61 ans): Publication des Mémoires.

3ème épisode: Déchéance démentielle? 3ème hospitalisation (3 ans).
1907 (65 ans): Mai, mort de sa mère.
Nov. 1907, maladie de sa femme.
27 Nov. 1907: Hospitalisé à l’Asile Dösen, à Leipzig.
1911 (69 ans): Mort De Schreber à l’Asile.
1911: Le Cas Schreber de Freud.
1912: Mort de l’épouse.


 
 
ANNEE- AGE SCHREBER MAGNAN MALEVAL POUSSE-A-LA FEMME
1884

43 ans

Mélancolie

Hypochondrie

Tentative de suicide

Sd. de Cotard

Mort du sujet

Phase d’incubation

Hypochondrie

Po (absence de signification phallique)

Déclenchement

Position Schizophrénique

" Qu’il serait beau d’être une femme en train de subir l'accouplement "

Enigme

1893

52 ans

Délire Paranoïde Rayons, pollutions, déréalisation Phase d’incubation

Inquiétude, interprétation

P1

Délire paranoïde

Position Schizophrénique

Entmannung

(Emasculation)

1894

53 ans

Délire de persécution Phase de Persécution

Hallucinations

P2

Délire Paranoïaque

Position Paranoïaque

Entmannung

Versöhnung

(Sacrifice)

1899

58 ans

Délire de grandeur. Rédaction des Mémoires (1902). Phase mégalomaniaque

Confabulations

P3

Délire Paraphrénique

Position Paraphrénique

Verbleibichung (Transformation en femme)
1907

65 ans

Hospitalisation pour déchéance démentielle Phase de démence    

 
 
BIBLIOGRAPHIE

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46) Lacan (J.), Le Séminaire Livre III, Les Psychoses, Op. cit., p. 153.
47) Lacan (J.), Le Séminaire Livre III, Les Psychoses, Op. cit., p. 34.
48) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Collection Médecine et Psychothérapie, Masson, Paris, 1996, p. 99.
49) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit., p. 95.
50) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit., p. 99.
51) Schreber (D.), Mémoires d'un Névropathe, Editions du Seuil, Points, 1975, p. 46.
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54) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit., p. 115.
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56) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit., p. 158.
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60) Idem, p. 214.
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62) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit., p. 131-132.
63) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies mentales, Op. cit., p. 251.
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66) Miller (J. A.), Clinique Ironique, La Cause Freudienne N° 23, Février 1993, p. 9.
66) Maleval (J. Cl.), Logique du Délire, Op. cit., p 125.
67) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit., p.160.
68) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies mentales, Op. cit., pp. 238-239.
69) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies mentales, Op. cit., p. 280.
70) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies mentales, Op. cit., p. 282.
71) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies mentales, Op. cit., p. 285.
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75) Freud (S.), Une névrose diabolique au XVIIè siècle, Op. cit., p. 296.
76) Lacan (J.), D'une question préliminaire à tout traitement possible de la Psychose, in Ecrits, Editions du Seuil, 1966, p. 578.
77) Morel (G.), Le pousse-à-la-femme dans la "Question préliminaire": articulation de l'éviration (Entmannung) et de la féminisation (Verweiblichung), in La Lettre Mensuelle, Ecole de la Cause Freudienne, N° 85, p. 11.
78) Schreber (D.), Mémoires d'un Névropathe, Op. cit., p. 151.
79) Lacan (J.), D'une question préliminaire à tout traitement possible de la Psychose, Op. cit., p. 566.
80) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit., pp. 158-159.
81) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit, p. 94-96.
82) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit., p. 171.
83) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit., p 185.
84) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies mentales, Op. cit., pp. 278-280.
85) Kraepelin (E.), La Demencia Precoz 2° Parte, Parafrenias, (Traduction de la 8ème édition du Traité de Psychiatrie), Colección Clásicos de la Psiquiatría, Editorial Polemos, Buenos Aires 1996, p. 172.
86) Schreber (D.), Mémoires d'un Névropathe, Editions du Seuil, Points, 1975, pp. 286-287.
87) Morel (G.), Le pousse-à-la-femme: problématique, in Figures du Pousse-à-la-femme, Op. cit., pp. 12-13.
88) Freud (S.), Remarques psychanalytiques... Op. cit., p. 296.
89) Ey (H.), Etude N° 16, Délire des négations, in Etudes Psychiatriques, Tome II, Desclée de Brouwer, Paris, 1950, p. 435.
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91) Czermak (M.), Signification psychanalytique du Syndrome de Cotard, Op. cit., p. 221.
92) Czermak (M.), Remarques sur "A propos de l'impression d'être immortel" de Denise Sainte Fare Garnot, in Passions de l'objet, Op. cit., pp. 255-271.
93) Kraepelin (E.), La folie maniaque-dépressive, Editions Jerôme Millon, Grenoble, 1993, p. 116.
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