Depuis longtemps, plusieurs auteurs ont remarqué la fréquence
et l'importance de la thématique sexuelle dans la psychose.
Magnan, dans ses célèbres Leçons cliniques,
remarquait "Les hallucinations du sens génital ne sont pas rares,
surtout chez la femme, mais les hommes ne sont pas exempts; ils se plaignent
assez souvent de pratiques de sodomie, d'onanisme, auxquelles leurs ennemis
se livrent sur eux aussi bien le jour que la nuit" (1).
Kraepelin notait à propos des idées délirantes
dans la "Dementia Praecox": "Une place très importante dans le tableau
clinique de la Démence précoce, occupent, à mon avis,
les délires sexuels, très souvent en rapport avec des sensations
sexuelles précédemment décrites" (2).
Bleuler, lui, signale que "parmi les hallucinations corporelles
des schizophrènes, les sexuelles sont, de loin, les plus fréquentes"
(3). Il remarque encore que "lorsqu'une schizophrène a une idée
délirante, il est rare que le contenu sexuel soit absent" (4).
Weber, un des experts qui examina Schreber, avait bien noté
que "l'essentiel de sa mission rédemptrice résidera d'abord
et avant tout dans l'accomplissement de sa transformation en femme"(5).
Henri Ey signalait les auto-mutilations et les castrations comme
des comportements impulsifs les plus caractéristiques des schizophrènes
(6), et un peu plus loin, il affirmait, toujours à propos des schizophrènes,
"Les représentations, les mythes, idées délirantes
et hallucinatoires jouent, dans la plupart des cas, sur des thèmes
sexuels: érotisation des objets et des situations, "symbolisme"
sexuel des productions artistiques, sexualisation de tous les contacts,
du langage, de la pensée, descriptions d'accouplements monstrueux
s'étendant à l'univers entier, aux astres, aux saisons",
etc.(7).
Nous pourrions encore rallonger cette liste avec d'autres auteurs, mais
nous voulons contraster le poids des auteurs cités avec le fait
que dans le DSM-IV aucune mention n'est faite à la thématique
sexuelle. Elle est simplement inexistente.
Ces délires sont souvent appelés "transsexualistes", car
ils répondent à une certaine logique. Depuis l'analyse que
Freud a fait du Cas Schreber et sa formulation de "la paranoïa comme
une défense contre l'homosexualité", la place de la sexualité
dans la psychose, à fait l'objet de très nombreuses considérations
psychanalytiques cherchant à repérer la structure de tels
phénomènes.
Ainsi le précise Freud quand il aborde le fantasme "Un
enfant est battu": "Etre battu, dans le fantasme masculin - pour le nommer
brièvement et d'une manière qui je l'espère ne prête
pas à confusion - c'est aussi bien être aimé au sens
génital du terme. [...] Originairement le fantasme inconscient n'a
donc pas eu pour formule "je suis battu par le père", comme nous
l'avions d'abord établi provisoirement, mais plutôt: je suis
aimé par le père. [...] Le fantasme de fustigation du garçon
est donc dès le début un fantasme passif, effectivement issu
de la position féminine à l'égard du père"
(8), fantasme dont il disait que "Je ne serais pas étonné
si l'on parvenait un jour à montrer que ce même fantasme est
à la base du délire quérulant des paranoïaques"(9).
Freud en fait donc la question centrale dans la paranoïa, et plus
tard de la psychose.
Soixante ans plus tard, Lacan résume en une formule resserrée,
sa position: "Je pourrais ici, à développer l'inscription
que j'ai faite par une fonction hyperbolique, de la psychose de Schreber,
y démontrer dans ce qu'il a de sardonique l'effet de pousse-à-la-femme
qui se spécifie du premier quanteur: ayant bien précisé
que c'est de l'irruption d'Un-père comme sans raison, que se précipite
ici l'effet ressenti comme de forçage, au champ d'un Autre à
se penser comme à tout sens le plus étranger" (10), qui
constitue son seul témoignage explicite du "pousse-à-la-femme"
(nous savons aujourd'hui grace à une trouvaille que Pierre Bruno
(95) attribue à Claude Duprat, que l'expression provient d'Antonin
Artaud: "L'être ne commence pas par l'âme, il se fait par
la forme d'un corps principe que j'anime peu à peu et pousse
jusqu'à la femme", in Antonin Artaud, Oeuvres Complètes,
Gallimard, Tome XXI, page 219).
Eric Laurent dit à ce propos "... le "pousse-à-la-femme"
n'est pas chez Lacan une catégorie phénoménologique
mais bien un concept. Il s'applique aussi bien pour les sujets homme que
pour les sujets femme" (11). Le pousse-à-la-femme est donc une structure
logique, en rapport avec la pulsion. "La pulsion a quelque chose de l'ordre
du pousse et c'est vrai que ce pousse-à-la-femme est la nouvelle
forme de la pulsion qui se dégage du fonctionnement des psychoses,
articulée avec une structure logique qu'est précisément
celle de La femme qui manque à tous les hommes", signale E. Laurent
(12).
Deux axes, l'un synchronique, celui de la pulsion, de la jouissance,
celui d'une structure logique, La femme, dans ses rapports avec la Forclusion
du Nom-du-Père.
L'autre axe, diachronique, imaginaire, le constitue le travail délirant,
le trajet imaginaire, les différents moments phénoménologiques
décrits par Freud, Lacan et repérables dans les œuvres classiques
de la psychiatrie.
LES ASPECTS SYNCHRONIQUES
Le Pousse-à-la-femme a, comme antécédents, les
élaborations freudiennes concernant la position féminine
dans l'Oedipe. C'est avec ce concept que Freud aborde le cas du Président
Schreber, et que Lacan, lorsqu'il prend la relève de Freud, fait
ses premiers commentaires de Schreber. Nous allons tenter de suivre le
fil conducteur qui mène de la position féminine au
pousse-à-la-femme.
1. FEMINITE ET POSITION FEMININE, L'OEDIPE NEGATIF, L'ATTITUDE PASSIVE.
Avec l'opposition actif-passif comme corrélât de l'opposition
masculin-féminin dont Freud s'en sert pour "pour dénommer,
pour recouvrir, pour métaphoriser ce qui reste d'insondable dans
la différence sexuelle" (13), il aborde la "bisexualité"
des enfants qui lui permet de dégager, en rapport avec l’Oedipe
dont sa référence centrale est le Père, une position
féminine, dite aussi attitude passive, et une position active
ou masculine. Pour pointer ces deux positions il s'en sert du concept
d'Oedipe négatif: "Le complexe d'Oedipe dans sa forme plus
complète, complexe qui est double, positif et négatif, sous
la dépendance de la bisexualité originaire de l'enfant: le
garçon n'a pas seulement une position ambivalente envers le père,
mais il se comporte en même temps comme une fille en manifestant
la position féminine tendre envers le père" (14).
Dans "Un enfant est battu", il précise que cette motion tendre
envers le père peut avoir un caractère génital, et
il la charge de contenus imaginaires: "Etre battu, dans le fantasme masculin
- pour le nommer brièvement et d'une manière qui je l'espère
ne prête pas à confusion - c'est aussi bien être aimé
au sens génital du terme. [...] Originairement le fantasme inconscient
n'a donc pas eu pour formule "je suis battu par le père", comme
nous l'avions d'abord établi provisoirement, mais plutôt:
je suis aimé par le père. [...] Le fantasme de fustigation
du garçon est donc dès le début un fantasme passif,
effectivement issu de la position féminine à l'égard
du père" (15). "Les fantaisies masochistes [...] mettent la personne
dans une situation caractéristique de la féminité,
donc signifient être-castré, être-coïté
ou enfanter" (16).
P. Naveau rappelle la dissymétrie entre l'Oedipe chez le garçon
et chez la fille: "Alors que la sortie de l'Oedipe est provoquée,
chez le garçon, par l'angoisse de castration [...], chez la fille,
l'entrée dans l'Oedipe a pour cause le désir de castration.
S'agissant de la castration, le Wunsch de la fille est opposé
à l'Angst du garçon. La fille est poussée par
le Wunsch, le garçon est arrêté par l'Angst" (17).
J. D. Nasio souligne aussi ces différentes positions d'une façon
très concise dans son texte consacré au concept de castration
(18)
2. POSITION FEMININE ET PSYCHOSE
Freud aborde les phénomènes cliniques de la psychose,
et en particulier le cas Schreber, avec les concepts qu'il tire de l'Oedipe
négatif: position passive, désir de castration, position
masochique, désir d'être pénétré par
le Père, tel que nous l'avions déjà noté à
propos du texte "Un enfant est battu". Il l'écrit en 1919, après
son analyse du Président Schreber en 1911 et Pour Introduire le
Narcissisme en 1914. C'est essentiellement l'analyse du délire de
transformation en femme de Schreber qui le met dans cette direction. Freud
remarque dans le cas Schreber, "la nature primaire du fantasme d'émasculation
et de son indépendance, au début, de l'idée de rédemption.
[...] L'idée d'une transformation en femme avait été
le trait saillant, le premier germe du système délirant"
(19).
Mais l'identification de la position féminine dans la psychose
ne suffit pas, comme Freud lui-même nous le fait savoir: "Nous avons
jusqu'ici traité du complexe paternel qui domine le cas de Schreber
et du fantasme dominant de désir pathogène. Il n'y a là
rien de caractéristique de la paranoïa, rien que l'on ne puisse
retrouver dans d'autres cas de simple névrose et qu'on y retrouve
en effet. Le trait distinctif de la paranoïa (ou de la démence
paranoïde) doit être recherché ailleurs: dans la forme
particulière que revêtent les symptômes, et de cette
forme il convient de rendre responsables non point les complexes, mais
le mécanisme formateur des symptômes ou celui du refoulement"
(20).
3. LA JOUISSANCE: JOUISSANCE DE L'UN ET AUTRE JOUISSANCE
Le deuxième groupe de notions qui nous approche d'une compréhension
du pousse-à-la-femme est celui de la jouissance.
"Tous les besoins de l'être parlant sont contaminés par
le fait d'être impliqués dans une autre satisfaction - soulignez
ces trois mots". C'est ainsi que Lacan introduit à la question de
la jouissance dans le Séminaire Encore...(21) "L'autre satisfaction,
vous devez l'entendre, c'est ce qui se satisfait au niveau de l'inconscient
[...] ... la jouissance dont dépend cette autre satisfaction, [est]
celle qui se supporte du langage". Pour Maleval, la jouissance "se déduit
de ce qui oriente le sujet dans l'existence. Elle réside en une
tension qui porte vers la satisfaction de la pulsion" (22).
"L'expérience psychanalytique, dit Eric Laurent, témoigne
de ce qu'il y a deux espèces de jouissance qui viennent au sujet,
et deux seulement qui peuvent qualifier le sexe. D'abord celle de l'organe
masculin, marqué par le Un: "l'aile du désir toujours trop
tôt retombe". Ensuite, plus familière aux femmes, une jouissance
qui est toujours apparue plus diffuse, moins localisée dans l'organe,
par là même moins soumise à la retombée, susceptible
d'être multiple, enveloppante pour le sujet. A suivre Lacan, Freud
veut dire qu'il y a une jouissance phallique commune aux deux sexes et
un représentant de celle-ci commune aux deux sexes dans un organe
simulacre. Il reste une jouissance Autre, au-delà de l'organe, qui
ne s’accommode pas de l'aliénation du symbole" (23).
Nous avons donc une jouissance qui régit les échanges
entre les deux sexes, qui de par le "phallocentrisme de l'inconscient"
est appelée jouissance phallique, dont le signifiant maître
est le phallus, mais en tant qu'il est le signifiant qui recouvre la castration,
castration qui doit être définie comme sacrifice de jouissance,
d'après le mythe de la Horde Primitive.
Et puis il y a, pour Lacan, une autre jouissance, "une jouissance [...]
du corps, qui est [...] au-delà du phallus [...]. Il y a une jouissance
à elle, à cette elle qui n'existe pas et ne signifie rien.
Il y a une jouissance à elle dont peut-être elle même
ne sait rien, sinon qu'elle l'éprouve - ça, elle le sait.
[...] Menues considérations sur la jouissance clitoridienne et sur
la jouissance qu'on appelle comme on peut, l'autre justement, celle que
je suis en train de vous faire aborder par la voie logique, parce que jusqu'à
nouvel ordre, il n'y a pas d'autre" (24). Cependant il marque bien que
c'est aussi celle qu'éprouvent les mystiques: "Malgré, je
ne dis pas leur phallus, malgré ce qui les encombre à ce
titre, ils entrevoient, ils éprouvent l'idée qu'il doit y
avoir une jouissance qui soit au-delà" (25).
Cette jouissance est appelée supplémentaire par rapport
à la jouissance phallique
4. LA JOUISSANCE PSYCHOTIQUE
Dans son texte sur la logique du délire, Maleval souligne, encore
une fois, l'opposition entre jouissance phallique et jouissance de l'Autre,
et ce à propos des phénomènes dénommés
"délocalisation de la jouissance" produits par le déclenchement
de la psychose: "La jouissance de l'Autre n'est pas régulée
par la loi du signifiant, de sorte qu'elle trouve sa satisfaction en des
objets non séparés du sujet. En termes freudiens, il s'agit
d'une jouissance prégénitale, c'est-à-dire qu'elle
ne se trouve pas soumise au primat du phallus. Elle s'avère folle,
énigmatique, hors symbolique, centrée sur le corps du sujet
et sur ses organes […] La forclusion du Nom-du-Père implique l'absence
d'une limite quant à la jouissance, celle instaurée par la
perte d'un objet primordial; de sorte que le sujet psychosé se trouve
envahi par la jouissance de l'Autre, son corps devient alors le siège
de phénomènes divers, agréables ou pénibles,
voluptueux ou angoissants" (26).
5. LES FORMULES DE LA SEXUATION, LACAN ET LA LOGIQUE FORMELLE, LA
FEMME N'EXISTE PAS.
Lacan va se servir de la logique propositionnelle pour formaliser le
mythe de la horde primitive. En premier lieu, il affirme en opposition
à Aristote que l'Universel ne se soutient que d'une exception qui
le nie: "L'exception ne confirme pas la règle, comme on le dit gentiment,
elle l'exige, c'est elle qui est le véritable principe" (27). Ceci
donne une justification logique au mythe freudien du Père de la
horde primitive. Celui-ci est le Un qui n'obéit pas à la
loi de la castration, dont le meurtre par les fils l'instaure justement,
et du même coup, fonde l'humanité "civilisée", c'est-à-dire
l'ensemble de tous-les-hommes soumis à la loi de l'interdit de l'inceste.
Cela s'écrit:
___
$ x. Fx.
Et se lit: au-moins-un pour qui la fonction de castration (symbolisée
par ) ne fonctionne pas. Ici, il faut comprendre "castration" comme suit:
sacrifice de jouissance. Désormais la jouissance illimitée
est interdite par la loi de l'interdit de l'inceste, introduite par le
"moins-un", l'exception, le Père de la horde primitive. Il n'existe
pas un pendant côté femme qui serait une "Mère Primitive":
"La Femme n'existe pas".
Cela s'écrit:
___ ___
$ x. Fx.
Freud évoquait l'universalité de la phase phallique, et
il stipulait qu'il n'y avait qu'une seule libido: masculine. Ceci trouvait
sa justification dans la prépondérance attribué au
père dans l'Oedipe et en particulier avec le mythe du Père
de la horde primitive. Le pivot du mythe est la castration, ici comprise
par le terme fonction phallique. Lacan justifiait cette primauté
du Père dans l'Œdipe, et ce depuis son article "Les complexes familiaux…"
de la façon suivante: "J'ai souvent pris position contre la façon
hasardeuse dont Freud interprétait sociologiquement la découverte
capitale pour l'esprit humain que nous lui devons là. Je pense que
le complexe d'Œdipe n'est pas apparu avec l'origine de l'homme (si tant
est qu'il ne soit pas insensé d'essayer d'en écrire l'histoire),
mais à l'orée de l'histoire, de l'histoire "historique",
à la limite des cultures "ethnographiques". Il ne peut évidemment
apparaître que dans la forme patriarcale de l'institution familiale"
(28).
R. Graves rappelle que l'Europe néolithique, avant l'arrivée
des envahisseurs aryens, possédait des conceptions religieuses remarquablement
cohérentes fondées sur le culte de la déesse-Mère
aux noms divers, que l'on connaissait aussi en Syrie et en Lybie: "L'Europe
ancienne n'avait pas de dieux. La Grande Déesse était considérée
comme immortelle, immuable et toute-puissante; et le concept de filiation
par le père n'avait pas pénétrée la pensée
religieuse. Elle avait des amants mais uniquement pour son plaisir et non
pas pour avoir des enfants avec un père. Les hommes dans le système
matriarcal, craignaient et adoraient la mère suprême et ils
lui obéissaient. L'âtre dans la caverne ou dans la hutte était
le plus ancien centre dans la société et le premier mystère
était celui de la mère" (29).
Ensuite il dit à propos du mythe pélasge de la Création:
"Dans ce système religieux archaïque, il n'y avait jusqu'alors
ni dieux ni prêtres, mais seulement une déesse universelle
et ses prêtresses, la femme dominant l'homme qui était sa
victime apeurée. On n'honorait pas le père car on attribuait
la conception au vent, à l'ingestion de haricots ou à un
insecte avalé accidentellement; l'héritage passait par la
ligne maternelle" (30).
F. Engels rappelle que lors du matriarcat, "tant qu'existe le mariage
par groupe, la descendance ne peut être prouvée que du côté
maternel, et que seule la filiation féminine est reconnue" (31).
Avec l'évolution de la famille, introduite par l'élevage,
et ceci chez les peuples sémitiques et les aryens en Inde, "le mariage
apparié [introduit] dans la famille un élément nouveau.
A côté de la vraie mère, il avait placé le vrai
père, le père attesté [...]. Donc, au fur et à
mesure que les richesses s'accroissaient [grâce à l'élevage],
d'une part elles donnaient dans la famille une situation plus importante
à l'homme qu'à la femme [...]. Cette révolution -
une des plus radicales qu'ait jamais connu l'humanité - [décida]
qu'à l'avenir les descendants des membres masculins resteraient
dans la gens, et que les descendants des membres féminins en seraient
exclus et passeraient dans la gens de leur père. Ainsi, la filiation
en ligne féminine et le droit d'héritage maternel étaient
abolis, la ligne de filiation masculine et le droit d'héritage paternel
étaient établis" (32).
Ce détour par l'histoire et les mythes, donne consistance matérielle
à l'énoncé lacanien: "La Femme n'existe pas". La Femme
serait l'existence que l'on attendrait ici symétriquement à
celle du Père. Cette existence assurerait alors la consistance d'un
universel de femmes, en fixerait les limites et le pourtour. La Femme n'existera
désormais que dans la psychose. Comme le dit E. Laurent, à
propos de Lacan, c'est dans "la psychose [qu'] il précise que là
et là seulement La femme existe" (33)
6. FIGURES DE LA FEMME
Nous allons tenter de montrer quelques unes des différentes figures
de la "mythologie délirante" de La Femme.
Maleval signale que "On conçoit dès lors que Lacan puisse
soutenir que "La femme [...] est un autre nom de Dieu". L'accent mis sur
le pousse-à-la-femme chez le psychotique est corrélé
à son approche comme "sujet de la jouissance". Quand la fonction
paternelle se trouve symbolisée, elle fait rempart au rejet de La
femme: le Père n'est qu'un semblant, affirme Lacan, qui "ex-sisterait
à
la place de vide où je mets La femme". Quand le masque paternel
fait défaut surgissent des figures de la jouissance illimitée
dont La femme constitue la plus évidente" (34).
Lacan remarquait cette ubiquité entre Dieu et La femme: "C'est
à la place, opaque, de la jouissance de l'Autre, de cet autre en
tant que pourrait l'être, si elle existait, La femme, qu'est situé
cet Etre suprême, mythique manifestement chez Aristote, cette sphère
immobile d'où procèdent tous les mouvements, quels qu'il
soient, changements, générations, mouvements, translations,
augmentations, etc." (35).
"Paradoxe, disent les Lefort, cette Femme-Toute n'est pas phallophore,
comme le Père primitif, ainsi que le souligne Schreber de son Dieu:
il n'est certainement pas pourvu d'attributs masculins.
La Femme-Toute donc, c'est du signifiant, mais qui fait réel.
[...] Cet Autre syncrétique a finalement tous les organes sexuels,
internes et externes, sans différence de sexe, dans la perspective
du Un unifiant, rassemblant ainsi sur lui les deux sexes.
C'est ce que résume Schreber en disant que son pénis se
rétracte à l'intérieur pour rencontrer les organes
féminins - d'où cette notion de coït sur lui-même:
il a les deux sexes comme La-Femme-Toute" (36).
""Etre la femme qui manque à tous les hommes" est une solution
psychotique car elle est posée en termes universels: il s'agit en
fait d'être l'Autre de l'Autre. C'est la solution qui consiste, n'ayant
pas trouvé de représentant dans le système symbolique,
à s'en faire la substance" (37).
Nous pourrions ainsi passer en revue quelques unes des différentes
figures de La femme: Dieu, l'Autre jouisseur, l'Autre de l'Autre, La femme
des femmes, etc., toutes des figures qui tentent d'incarner cette place
de l'exception qui pourrait fonder un universel côté femme.
II - LE POUSSE A LA FEMME ET LES STRUCTURES CLINIQUES DE LA PSYCHOSE
- LA DIACHRONIE - LA PHENOMENOLOGIE
1. LE POUSSE-A-LA-FEMME, TRAJET IMAGINAIRE
Lors de son séminaire sur les psychoses, dont le sujet principal
est le commentaire des Mémoires de Schreber, Lacan s’interroge:
"La question se pose de savoir si nous nous trouvons devant un mécanisme
proprement psychotique qui serait imaginaire et qui irait de la première
entrevision d'une identification et d'une capture dans l'image féminine,
jusqu'à l'épanouissement d'un système du monde où
le sujet est complètement absorbé dans son imagination d'identification
féminine" (38).
De cette façon est posé l’essentiel du problème
qui nous intéresse ici, c’est-à-dire les effets imaginaires
du pousse-à-la-femme: le trajet qui mène du premier
fantasme schrébérien, à la construction d’un système
global (une Weltanschaaung) où le sujet occupe la place centrale.
Ce trajet manifeste un certain rapport du sujet à la jouissance,
rapport qui n’est pas le même selon que le sujet occupe une position
schizophrénique, paranoïaque ou paraphrénique.
Ce trajet du délire schrébérien était bien
souligné dès le départ. Le Dr. Weber, un des experts
qui examina Schreber, avait bien noté que "l'essentiel de sa mission
rédemptrice résidera d'abord et avant tout dans l'accomplissement
de sa transformation en femme" (39).
Ce trajet n’échappait pas à Freud lorsqu'il comparait
son cas avec celui du peintre Haintzmann: "Monsieur le Président
du Sénat reçut aux environs de sa cinquantième année
de sa vie, la ferme conviction que Dieu - lequel porte du reste des traits
manifestes de son père, le respectable médecin que fut le
Dr. Schreber - avait pris la résolution de l'émasculer, de
l'utiliser comme femme et de faire naître de lui des humains d'esprit
schrébérien. [...] C'est la rébellion contre cette
injustice divine, qui lui apparaissait hautement injuste et "contraire
à l'ordre du monde", qui le rendit malade [...]. Le président
du Sénat Schreber trouva la guérison lorsqu'il se résolut
à abandonner sa résistance vis-à-vis de la castration
et à se plier au rôle féminin que Dieu lui avait réservé"
(40).
De cette façon Freud scandait les différentes positions
subjectives de Schreber à l’égard du complexe d’Oedipe,
de la castration, et de la féminisation, soulignant le renversement
dialectique du Angst de la position masculine, au Wunsch
de la position féminine.
2. SCHREBER, MAGNAN, FREUD ET LACAN
Schreber est donc à l'origine du concept de pousse-à-la-femme.
Mais, s'interroge G. Morel, "la question est de savoir dans quelle mesure
ce cas est paradigmatique pour la psychose" (41)? C’est ici que trouve
son intérêt l’introduction du délire chronique à
évolution systématisé de Magnan, dont l’évolution
est marquée par quatre périodes: période d’incubation(marqué
par l’inquiétude), période interprétative (interprétations
et hallucinations font le lit de la persécution),
période
mégalomaniaque (les idées de grandeur apportent une certaine
stabilité au sujet), et période de démence
(qui est la fin logique pour ce psychiatre imbibé de la théorie
de la dégénérescence de son maître Morel), car
pour la plupart des écoles psychiatriques françaises, le
cas du Président Schreber ne correspond pas à la Paranoïa,
tel que nous l'entendons après Kraepelin.
Freud utilisait le diagnostic de " Paranoïa " dans son sens large,
pré-kraepelinien, comme le montre le sous-titre de son article sur
le cas Schreber, où il met entre parenthèses le diagnostic
de "Dementia paranoïdes". P. Bercherie (42) analyse bien les avatars
kraepeliniens de cette catégorie diagnostique, qu'à la période
où Freud écrit son article (6ème éd.)
ne fait pas partie de la Paranoïa.
Henri Ey, par exemple, dans le Traité des Hallucinations, dit
à ce propos: "Pour nous qui considérons que les Délires
chroniques sont un genre dont Paranoïa, Schizophrénie et Paraphrénie
sont des espèces et même des phases du développement
de la psychose supra, nous ne sommes pas embarrassé pour considérer
le cas Schreber comme un cas de Délire parvenu à un stade
de paraphrénie mégalomaniaque après une phase de systématisation
paranoïaque" (43). Encore faudrait-il ajouter que la phase de déchéance
que connut Schreber avant de mourir, constituait pour Henri Ey la " désagrégation
schizophrénique " terminale du processus psychotique.
Cette question diagnostique n’échappait pas à Lacan, qui,
dans une note en bas de page de sa Thèse, le rappelle: "Observons
que ce cas, selon la classification kraepelinienne, doit être rangé
dans les paraphrénies" (44). Il y reviendra plus tard dans le Séminaire
sur Les Psychoses: "Schreber note au début de l'un de ses chapitres,
très humoristiquement - On dit que je suis un paranoïaque.
En effet, on est encore, à l'époque, assez mal dégagé
de la première classification kraepelinienne pour le qualifier de
paranoïaque, alors que ses symptômes vont beaucoup plus loin.
Mais quand Freud le dit paraphrène, il va plus loin encore, car
la paraphrénie est le nom que Freud propose pour la démence
précoce, la schizophrénie de Bleuler" (45) (les Paraphrénies
apparaissent comme clairement séparées de la schizophrénie
et de la paranoïa dans la 8ème édition du Traité
de Psychiatrie de Kraepelin, en 1913).
Maleval, dans son ouvrage consacré à la logique du délire,
prenant appui sur Magnan et d'autres (Lévi-Valensi, Régis),
intronise le cas Schreber, comme l'exemple type d'une paraphrénie
systématisée, ayant traversé " toutes les phases de
la logique délirante " pour "significantiser la jouissance". Cette
évolution du délire de Schreber est bien soulignée
par Lacan, lorsqu'il dit que c'est dans la clinique de Sonnenstein, que
"son délire va passer par toute une série de phases dont
il nous donne une relation extrêmement sûre, semble-t-il, et
extraordinairement composée, écrite dans les derniers mois
de cet internement" (46).
Schizophrénie, paranoïa, paraphrénie, diagnostics
auxquels il faudrait ajouter la mélancolie évoquée
à propos de certains épisodes du délire de Schreber,
suffisent à faire de son cas un paradigme pour la psychose.
3. LA LOGIQUE DELIRANTE
L’épure de cette évolutivité du travail délirant
le constitue pour Maleval, le Délire chronique à évolution
systématique de Magnan. Maleval, donc, se basant sur une "phénoménologie
de la jouissance" et le travail du sujet pour la "significantiser", selon
l'expression qu'il attribue à C. Soler, élabore une "échelle
des délires". Cette expression est aussi de Lacan, comme le signale
Maleval: "le délirant, affirme-t-il le 11 janvier 1956, à
mesure qu'il monte l'échelle des délires, est de plus en
plus sûr de choses posées comme de plus en plus irréelles"
(47). Cette échelle est quadripartite, comme les phases de l’entité
de Magnan: "Si Po connote la carence paternelle, dit Maleval, P1
n'est pas sans évoquer paranoïde, P2 paranoïaque
et P3 paraphrénique. Bien que ces tableaux psychiatriques
soient fortement corrélés aux phases du délire, ils
n'y correspondent pas exactement" (48); "Les transformations du délire
ne s'effectuent pas par franchissement d'une période à une
autre, l'imbrication de celles qui sont contiguës s'avère plutôt
la règle, tandis que la coexistence d'éléments appartenant
à plusieurs d'entre elles s'observe parfois. Les étapes décrites
[...] constituent des organisations instables, elles sont principalement
à retenir pour le schéma de logique évolutive
qu'elles permettent de dégager" (49). Cette " échelle des
délires " est propre à éclairer la logique du pousse-à-la-femme:
4. PO, PERIODE D’INCUBATION, EBAUCHE DE FEMINISATION DE SCHREBER,
DEBUT DE LA SCHIZOPHRENIE.
Pour Schreber et le pousse-à-la-femme, nous pouvons situer ce
moment logique en Octobre 1893, après avoir subi un premier "effondrement
nerveux", paroxysme d'angoisse, tentative de suicide et envahissement de
craintes hypochondriaques. A cette perplexité initiale suit l'établissement
d'une énigme qui le situe déjà dans la pente féminisante
de
la psychose: "Un jour, cependant, un matin, encore au lit (je ne sais plus
si je dormais encore à moitié ou si j'étais déjà
réveillé), j'eus une sensation qui, à y repenser une
fois tout à fait éveillé, me troubla de façon
étrange. C'était l'idée que, tout de même ce
doit être une chose singulièrement belle que d'être
une femme en train de subir l'accouplement" (50).
Il existe des fortes concordances avec les premiers moments de la Période
d'incubation du Délire décrit par Magnan: "A cette époque
ils pourraient être pris pour des hypochondriaques. Peu à
peu il leur semble qu'on les observe, qu'on les regarde de travers, qu'on
les dédaigne et qu'on les méprise; ils doutent, hésitent,
restent flottants au milieu d'idées variées, acceptées
d'abord, repoussées ensuite, admises peu à peu et donnant
lieu enfin à des interprétations délirantes" (51).
"Lacan a centré son effort sur l'isolement de ce mécanisme
formateur dans lequel Freud recommandait de chercher le trait distinctif,
et a donc isolé la forclusion parmi les différentes formes
de rejet, suivant à la lettre le conseil de Freud. Il a également
centré son effort sur les rapports au père de la castration
dans la Métaphore paternelle avec son rôle de la production
du j , dont l'absence amènera le pousse-à-la-femme"
(52). Ce premier moment du délire est dénommé Po.
Pour Maleval "Le trou dans l'imaginaire, la perplexité, l'autonomisation
du signifiant, l'attitude interrogative, l'énigme, tous ces phénomènes
constituent une conséquence directe de la carence de signification
phallique" (53). Deux phénomènes cliniques, intimement associés,
constituent les faits prévalants à ce moment: la délocalisation
de la jouissance et l'établissement d'une énigme.
Une des conséquences de cette mobilisation du signifiant le constitue
le phénomène appelé "mort du sujet", repéré
par Lacan grâce aux indications précises de Schreber. L'absence
de la signification phallique, pour S. Aparicio "se fait sentir dans "ce
désordre provoqué au joint le plus intime du sentiment de
la vie" qui aboutit aux fantasmes de fin du monde et à cette mort
subjective (cf. le "meurtre d'âmes" schrébérien) qui,
la clinique nous le montre, rend si peu supportable au psychotique la poursuite
de son existence" (54).
Maleval signale que "C'est au phallus qu'est dévolue la fonction
d'opérer ce joint entre signifiants de l'Autre et jouissance du
sujet pour donner à celui-ci le sentiment de la vie. [...] "L'épinglage
de la signification du sujet sous la signification phallique, note Jacques-Alain
Miller, on peut admettre que c'est la condition pour que le sujet, illusoirement,
ait le sentiment d'être vivant, et telle que Lacan la reprend dans
Schreber, cette mort du sujet traduit le moment où le sujet est
coupé de sa valeur phallique" (55).
Cet "intervalle", selon l’expression de Lacan, se situe entre le déclenchement
de la psychose en 1893 et la "solution" du conflit deux ans après.
"L'intervalle dont il est question, dit E. Théodoridis, la mort
du sujet a une certaine durée. Il s'agit d'un temps logique et décisif
pour la construction de la métaphore délirante, c'est une
sorte de point zéro à partir duquel une construction devient
possible" (56).
Le cas Robert rapporté par Sven Follin (57) illustre clairement
ce moment. Après une maladie sérieuse et invalidante de son
père, Robert, alors âgé de 31 ans, déclenche
sa psychose: "Maman, je ne me reconnais plus, je n'existe plus, je mange
mais mon corps n'existe plus" et il menace de se suicider ce qui provoque
une hospitalisation. Follin signale que le tableau à l'entrée
à l'hôpital n'est pas évident de schizophrénie,
mais évoque plutôt une dépression psychasthénique
avec préoccupations hypocondriaques: "C'est un sujet inquiet, perplexe,
qui cherche l'expression exacte de la douleur morale qu'il ressent […].
Il se plaint de troubles digestifs, de manque d'appétit, de constipation.
[…] Il a le sentiment confus qu'il n'existe plus". Plus tard, Robert dira
lui-même de son vécu: "Au moment de la crise, je me suis senti
devenir une femme, puis toute individualité disparut complètement
de moi, et à l'intérieur de la poitrine, s'anéantir
un choc à l'estomac, mes intestins se tordent, et des démons
s'emparent de moi complètement, et pourtant je ne veux pas, je ne
veux pas, je n'ai jamais voulu devenir un être pareil [...]. J'ai
une peur et une méfiance des autres, je ne saisis plus le sens des
paroles et j'ai une peur atroce me sentant diminuer de jour en jour, que
des crises plus fortes me anéantissent… […] Tous mes sentiments
sont morts, je pense que d'un moment à l'autre, je vais devenir
un inverti ou bien mourir. Faites en sorte que je ne sois pas une loque
au pouvoir des autres. Isolez-moi je vous en supplie".
Henri Ey disait du destin du schizophrène qu'il était
"une sorte de "fin du monde", une manière-de-ne-plus-être-au
monde", de limiter et d'assigner un terme à l'existence", et pour
lui l'autisme était l'enkystement et la sclérose du "désèchement,
le déperissement de l'être psychique" (58). Il rappelait d'ailleurs
que le délire des schizophrènes "C'est un délire sans
progrès discursif, un délire qui ne marche pas, qui demeure
stéréotypé et cristallisé dans ses fragments
épars" (59), mettant ainsi l'accent sur la non-évolutivité
du délire schizophrène. La suite de l'observation de Follin
va montrer cette construction autistique s'étendant sur près
de trente ans, et Robert fini sa vie entre l'hôpital et son domicile,
replié du monde.
5. P1, PERIODE D’INQUIETUDE, MORT DU SUJET CHEZ SCHREBER, DELIRE
PARANOÏDE SCHIZOPHRENIQUE.
Les phénomènes que Schreber va à montrer pendant
cette période, qui s’étend jusqu’à 1895, constituent
des éléments cliniques observables dans le délire
paranoïde de la schizophrénie. En particulier ce rapport à
la jouissance caractéristique que E. Laurent met bien en tension
lors d’un commentaire des définitions de Lacan: "En rapprochant
les deux définitions, le retour de la jouissance dans l'Autre qualifiant
la paranoïa, et le retour de la jouissance dans le corps qui complète,
nous obtenons une distribution des expériences énigmatiques
de jouissance dans la paranoïa et la schizophrénie" (60).
Rayons, volupté, déréalisation, pollutions nocturnes...,
pour dialectiser cette énigme qui constitue cette jouissance du
corps, qui le féminise et qui lui donne "le sentiment d'avoir à
résoudre une des plus graves difficultés qui jamais furent
posées à un être humain" (61), Schreber va tenter différents
versions d’un délire que nous pouvons facilement qualifier de paranoïde.
Dans le tableau de Magnan nous sommes toujours à la Période
d’inquiétude: "ils doutent, hésitent, restent flottants
au milieu d’idées variées, acceptées d’abord, repoussées
ensuite". Il illustre cette période avec le cas d'un malade qui
se disait " temporalisé ", néologisme avec lequel il signifiait
sa féminisation: "Sa fiancée avait glissé dans son
corps par un orifice de la région temporale, superposant ses organes
aux siens, les yeux aux yeux, le nez au nez, l'ombilic à l'ombilic,
etc.., et, comme il se trouvait dans un service d'hommes, cette double
personnalité, homme et jeune fille, le mettait dans le plus grand
embarras. Au moment de lever et du coucher, il s'empressait, avec la pudeur
d'une jeune fille, de tirer sa chemise et de se coucher; il avait habituellement
dans le service une attitude spéciale: il tenait constamment ses
jambes croisées pour protéger sa virginité" (62).
"L'énigme qui se trouve à l'origine du délire persiste,
dit Maleval, lors de P1, puisque cette période se caractérise
par une énorme mobilisation du signifiant, qui s'efforce
de la résoudre, sans encore y parvenir. [...] Pour ce qui est de
P1 le syndrome le plus caractéristique apparaît résider
dans le délire paranoïde" (63).
Schneider S., Harrison S. et Siegel B. (64), rapportent un cas de féminisation
psychotique propre à illustrer nos propos. Il s'agit d'un sujet,
disent les auteurs, qui a expérimenté des " changements cycliques
de la sexualité ", qui ont finalement abouti à son autocastration.
Ce cas illustre bien comment le schizophrène ne se défend
pas du réel avec le langage, mais, entre autres, avec le passage
à l'acte automutilatoire. "Dans la perspective schizophrénique,
dit Miller, le mot n'est pas le meurtre de la chose, il est la chose. [...]
Pour le paranoïaque, le mot n'est pas assez le meurtre de la Chose,
puisqu'il lui faut à l'occasion frapper la chose, le kakon, en l'Autre"
(65). Ici, le schizophrène frappe la chose, qui est son propre corps:
confusion entre l’organe et le signifiant. Comme le signale Maleval, "Afin
d'échapper à l'angoisse inhérente à Po, qui
rend cette position hautement instable, plusieurs stratégies s'avèrent
possibles. L'une d'entre elles oriente le sujet vers le passage à
l'acte sacrificiel" (66).
Sur l'histoire du patient, les auteurs de l'article signalent que le
patient, aussi loin qu'il peut se souvenir, se serait toujours senti "mal
à l'aise" avec son rôle de garçon. Il présente
une cryptorchidie bilatérale diagnostiquée à l'âge
de 6 mois. A l'âge de 10 ans, lors d'un contrôle sanitaire
à l'école, une circoncision à ce sujet est recommandée,
mais ses parents ne donnent pas suite aux conseils. Les premiers moments
de jouissance débridée, de délire de transformation
corporelle, sont rapportés à l'âge de 16 ans: le patient
pense que sa poitrine augmente de taille. Rien d'autre ne se passe en apparence
et le sujet fait son service militaire normalement à l'âge
de 20 ans. Un examen physique y est effectué et aucune anomalie
n'est constatée, selon les auteurs de l'article, qui n'auront de
cesse de chercher l'origine organique des dires du patient, partageant
en partie son délire.
Le patient dit avoir apprécié l'armée, et il a
tenté de rester aussi longtemps qu'il l'a pu. Puis il rentre à
la maison à l'âge de 22 ans, et travaille dans le magasin
de ses parents. Quelques mois après, il subit une intervention chirurgicale,
suite à une blessure à la cheville. C'est à la suite
de cette intervention orthopédique, à laquelle il s'est beaucoup
intéressé d'après les chirurgiens, qu'il commence
à noter que la distribution adipeuse de son corps était en
train de changer: les hanches devenaient plus rondes et ses fesses plus
féminines. 6 mois après, une deuxième intervention
chirurgicale, une appendicectomie, est effectuée en urgence, et
le sujet se rappelle avoir été intéressé par
"l'appendice rouge et saignant".
Ces interventions sur son corps, déclenchent une féminisation
croissante. Le malade pense que sa poitrine devient protubérante,
que sa voix monte de plusieurs octaves, qu'il n'a plus à se raser,
et que les formes féminines de son corps en général
sont plus marquées.
Le processus de féminisation se prolonge jusqu'à l'âge
de 26 ans. Soudainement, sans raison apparente, il note une "rémasculinisation".
Cela l'inquiète, et il décide de consulter un certain nombre
de livres de médecine et d'endocrinologie, afin de saisir ce qui
se passe dans son corps. Il se sent de plus en plus inquiet au fur et à
mesure que le processus continue. Il ressent cette période de masculinisation,
comme "une épreuve". Cette période dure environ 8 mois, ensuite
le processus de féminisation recommence, sans raison non plus, ce
qui le tranquillise. Il se prend en photo, où il occulte son pénis
entre ses jambes. Il pense qu'il peut passer d'une façon convaincante
pour une femme.
La "reféminisation" continue jusqu'à l'âge de 28
ans, lorsqu'il ressent une nouvelle période de masculinisation.
Progressivement le patient sent qu'il ne pourrait pas supporter un autre
"cycle" et décide de s'enlever les testicules lui-même. Avec
des lames de rasoir, dans sa salle de bain, il procède à
l'automutilation. Il est amené à l’hôpital pour éviter
le saignement. Après cette automutilation, une période de
féminisation s'ensuit, mais très rapidement suivie d'une
nouvelle remasculinisation. Moins d'un an après il fait une tentative
d'amputation de son pénis, le serrant à la base avec un lacet
en caoutchouc. 48 hs. après il se présente de lui-même
aux urgences d'urologie, demandant être vu par un médecin.
Après les soins chirurgicaux, qui lui ont permis de sauver son pénis,
il est envoyé dans un service de psychiatrie.
Pendant son hospitalisation en psychiatrie, les auteurs ne remarquent
pas de particularités, hormis une façon bizarre de marcher,
avec son pelvis en avant. Il se montre très anxieux et se dit "trompé"
d'être à l'hôpital. Se dit manipulé, se sent
épié, testé dans ses réactions. Pour les auteurs,
mise à part cette "anxiété", le patient ne manifeste
pas d'hallucinations ni de conduites bizarres. Ces phénomènes
vont s'atténuer tout au long de son hospitalisation. Le patient
tente de convaincre ses médecins de la "nécessité"
de son devenir femme. Il revendique son statut d' "hermaphrodite", et demande
une "solution finale", car il n'est pas sûr s'il est homme ou femme
après son automutilation. Les auteurs signalent, que plus encore
que paraître une femme, il souhaite faire disparaître tout
signe de masculinité. L'hospitalisation prendra fin lorsque la mère
du patient le fait sortir. Six mois après, l'équipe médicale
est contactée par courrier par un médecin urologiste, qui
leur communique que le patient a effectué quelques semaines après
sa sortie une émasculation, cette fois-ci définitive.
6. P2, PHASE INTERPRETATIVE, DELIRE DE PERSECUTION PARANOÏAQUE,
ENTMANNUNG ET VERSÖHNUNG CHEZ SCHREBER.
"Pour qui a assumé la loi de castration, la jouissance se trouve
localisée en un objet perdu représenté par le signifiant
phallique. Pour le psychosé, lors de Po et P1, elle se trouve dispersée
en son corps, en des hallucinations, en des intuitions incertaines. Il
n'en est plus de même s'il parvient à élaborer une
systématisation paranoïaque caractérisée par
Lacan comme identifiant la jouissance dans le lieu de l'Autre" (67). Il
s’agit donc d’un premier renversement des rapports entre le sujet et
la jouissance: de la jouissance du corps à la jouissance de
l’Autre.
Magnan appelle cette période Phase Interprétative:
"Le vague peu à peu s’efface: à l'hésitation, succède
la certitude, et, fortifiées par toutes ces preuves, ses convictions
deviennent inébranlables. Dans cet état d'esprit, le patient,
toujours sur le qui vive, épie, écoute, surprend, dans une
conversation, une phrase qu'il s'attribue; c'est l'interprétation
délirante; ou se trouve blessé par tel mot insignifiant,
mais dont le son présente quelque analogie avec une injure grossière,
et qu'il confond avec celle-ci; c'est l'illusion. Puis l'idée constante
d'une persécution, la tension incessante de l'intelligence finissent
par éveiller le signe représentatif de la pensée,
l'image tonale, c'est-à-dire le mot, l'hallucination auditive se
produit. La barrière est alors franchie, et le malade entre dans
la seconde période, celle des hallucinations, des troubles de la
sensibilité générale et du délire de persécution"
(68).
La localisation de la jouissance dans l’Autre caractérise la
Paranoïa. Nous avons choisi des cas cliniques de sujets féminins,
ce qui permet de montrer que la logique du pousse-à-la-femme est
identique chez les hommes que chez les femmes. Les premières ébauches
de féminisation psychotique chez une femme, peuvent être masquées
par le fait qu’il s’agit justement de sujets de sexe féminin. Le
caractère psychotique est cependant marqué par l'aspect intrusif,
persécutif, incarnée dans un Autre de la jouissance dont
le sujet n'accepte pas l'initiative. Comme le témoignent bien ces
exemples de Magnan:
"Obs. VIII.- Jeanne Lec... [...] Dans ses prédications à
l'église, il y a dix ans, ce curé faisait des allusions à
sa personne et la poussait à se livrer à lui; il donnait
à entendre qu'elle était belle femme, bien conservée,
et qu'il l'accueillerait volontiers chez lui. Elle proteste de la régularité
de sa conduite, elle n'a jamais eu de relations, dit-elle, ni avec lui,
ni avec d'autres" (69).
"Obs. X - Mme. Cor... [...] On lui introduit dans le corps des machines
longues comme des boyaux, des fils de fer; une tête empoisonnée
a pénétré dans sa tête, un corps de femme s'est
introduit dans son propre corps, elle durcit, se gonfle, fait des bosses
quelques fois. Elle s'est donné des coups de marteau sur le ventre
pour crever cette malencontreuse visiteuse. Parfois elle prétendait
que la personne qui s'introduisait dans son corps se substituait à
elle, et avait à sa place des relations avec son mari. [...] Quelquefois
les relations avec son mari sont très douloureuses; parfois, enfin,
elle a des rapprochements sexuels avec un individu qu'elle sent, mais qu'elle
ne voit pas; elle reste assise sur sa chaise et éprouve les mêmes
sensations voluptueuses" (70).
"Obs. XI - Mme. H.... [...] Elle prétend que, dans la rue, des
gens
qu'elle ne connaît pas, dit-elle, lui disent des injures [...] "Mais
tu n'entends donc pas? on dit que je me conduit mal, on m'appelle Vénus,
Eve; on me traîne dans la boue ... [...] Elle raconte, d'une part
qu'on la martyrise parce qu’elle est puissante par la grâce de Dieu;
Dieu l'a faite impératrice de la Sainte-Croix; il fait des miracles
pour elle, tous les obstacles disparaissent, elle débloque tout
sur son passage. D'autre part, elle prétend qu'elle devrait être
maîtresse sur les affaires de l'Etat" (71).
Sérieux et Capgras (72) rapportent une observation de féminisation
psychotique chez une femme: "Obs. VI. - Mme X... [...] Elle raconte que
dans son enfance elle a été exposée aux plus grands
dangers, mais Dieu l'a protégé. "Ces terribles épreuves
semblaient, dit-elle, me préparer aux combats incessants qu'ensuite
il m'a fallu livrer". A treize ans elle est soumise à des "épreuves
physiques, intellectuelles et morales". Plus tard on profite d'une adénite
inguinale pour la "torturer" [...]. On l'accuse de vices contre nature
parce qu'elle est atteinte d'herpès. Elle est victime "d'indélicatesses
multiples dont on se sert pour effleurer sa virginité". Son oncle
l'ayant embrassé avec trop d'effusion, elle croit qu'il a l'intention
d'abuser d'elle pendant son sommeil et se barricade dans sa chambre. Elle
se croit remarquée par tous les hommes".
Le cas de Marthe, patiente de D. Lagache (73), est plus détaillé.
Il s'agit d'une femme de 31 ans, amenée à l'hôpital
à cause d'une jalousie morbide et d'actes délirants. Le délire
se déclenche à l'occasion de la troisième grossesse
de la patiente, quelques mois après d'avoir subi une fausse couche.
Sur son passage "on fait des réflexions, on laisse entendre que
l'enfant qu'elle attend n'est pas de son mari; [...] la directrice d'un
dispensaire dit d'elle qu'elle a bonne façon, mais quelqu'un lui
répond: "Pas au point de vue conduite". En somme, elle se croit
accusée précisément de l'adultère qu'elle reproche
à son mari". Deux ans après, "le délire prend corps
essentiellement dans ses rêves dont Marthe rapporte des visions et
"des lambeaux de phrase, des fusées de mots" qu'elle cherche à
compléter, interpréter, relier. [...] Le mari devient le
principal persécuteur. [...] A la faveur du sommeil il se livre
sur elle à des abus sexuels: elle a l'impression qu'il lui prend
quelque chose qu'il porte à sa bouche. Ainsi il la "vide" et la
prive d'un "don" qu'il donne à sa maîtresse. [...] La nuit
les phénomènes d'emprise reprennent: électricité,
coups dans le côté". Un soir, quelque chose lui dit d'aller
trouver un prêtre. Elle se rend chez un abbé qui lui parle
d'exorcisme. Elle était soulagée, tranquille, à tel
point qu'elle a connu peu de jours pareils dans la vie.
Une voix lui dit de " faire son devoir d'épouse ". Elle se sent
à la fois repoussée et attirée par son mari. Elle
a le désir de se garder pure pour autre chose. Progressivement elle
se montre agitée, voulant frapper son mari au niveau des organes
génitaux. C'est dans ces conditions qu'elle est hospitalisée.
Lagache constate qu'elle est amoureuse de l'Abbé. Dans ses rêves,
elle perçoit des propos selon lesquels elle serait reine, serait
"l'étoile". Elle a l'âme de la Sainte Vierge, mais on lui
a retiré une partie. "Si une valeur de pêché s'attache
à ses rapports avec son mari une valeur vertueuse s'attache à
ceux qu'elle aura avec l'abbé de C. et seulement avec lui. La nuit
elle aurait des relations sexuelles avec lui, elle éprouverait une
jouissance qu'elle n'a jamais connue avec son mari. Après un rapport
sexuel, l'abbé de C. aura le don de vie, c'est-à-dire une
attitude éminente à faire le bien".
Dans une lettre adressée à Lagache elle dit: "Je puis
dire aujourd'hui, sans orgueil, sans forfanterie, que j'ai été
un instrument à la cause divine, sous une force spirituelle supérieure
à la mienne. [...] D'après mes rêves [...] quand j'aurai
donné la vie, je pourrai guérir, éclairer, soulager
les âmes vivantes, soulager les défunts [...]. Aidez-moi,
monsieur Lagache, à retrouver ma Lumière et à accomplir
l'oeuvre que Dieu attend de moi".
Dans une lettre à sa fille elle affirme: "Quand tu l'auras lue
avec soin, tu comprendras l'acte que j'ai été accomplir à
Saint Pierre de Montmartre le 8 ou le 10 août 1935. Possédant
l'âme de la sainte Vierge, sainte à la terre, c'est ma lumière
divine, c'est mon corps qui a eu l'honneur d'accomplir cet acte; rappelle
toi mon attitude, mon visage, ce jour-là, la détente de mes
mains aux pieds de la sainte Vierge ce jour-là, mon léger
tremblement". C'est son "mariage" avec l'abbé, qu'elle décrit
dans ce passage. Peu après elle sera transférée au
service du Dr. Capgras, deux ans après son admission, sans que son
état ait trouvé de stabilisation. Les ressemblances avec
le cas Schreber illustrent, encore une fois, l’identité du processus
chez l’homme que chez la femme.
Cette période, P2 est celle de la "protestation virile" d'Adler:
"Le sujet perçoit [...] les sentiments les plus variés de
diminution, d'humiliation, d'infériorité sous l'aspect symbolique
du manque de virilité; il est hanté par des idées
de castration, il se voit avec horreur jouer le rôle de femme dans
les rapports sexuels, il est obsédé par la crainte de la
conception de la grossesse, mais aussi par des idées de persécution,
de piqûre, de blessure, de chute. [...] Des fantaisies portant sur
la grossesse lui inspiraient la sensation humiliante d'un rôle féminin
et alternaient souvent avec des idées de castration et des fantaisies
dans lesquelles il se voyait transformé en femme" (74).
A propos de Schreber Freud notait: "Dieu, [...] avait pris la résolution
de l'émasculer, de l'utiliser comme femme et de faire naître
de lui des humains nouveaux d'esprit schrébérien. [...] C'est
la rébellion contre cette intention divine, qui lui apparaissait
hautement injuste et "contraire à l'ordre du monde", qui le rendit
malade; sa maladie pris la forme d'une paranoïa" (75). Le refus de
Schreber face à l’éventualité d’une éviration
est caractéristique de la position masculine dans l’Oedipe freudien.
La jouissance est localisée dans l’Autre, mais c’est un Autre persécutif.
Lacan soulignait, lui aussi, cet aspect persécutif qu'avait
pris la sexualité du président Schreber lorsqu'il évoquait
"le champ d'agression érotisée" (76) dans lequel le sujet
se trouvait du fait de l'intervention d'Un-père dans le champ imaginaire
a-a'.
La menace de Dieu est rendue par Schreber par le terme Entmannung,
qui n’est pas sans rapport avec la mort du sujet. "Le sujet, dit G. Morel,
peut s'identifier à son être de vivant, pour autant que sa
signification est épinglée sous le signifiant du phallus,
ce qui est corrélatif de l'affectation légitime du pénis.
L'effet de la forclusion implique alors logiquement qu'"être forclos
du pénis", qui correspond phénoménologiquement à
l'Entmannung, se marque par la "mort du sujet", repérable cliniquement
comme régression topique au stade du miroir" (77).
Devant la figure d’un Autre persécuteur, entmannung et mort du
sujet intimement liés, Schreber, qui est un sujet raisonnable, explique
son choix: "Je serais curieux qu’on me montre quelqu’un qui placé
devant l’alternative ou de devenir fou en conservant son habitus masculin,
ou de devenir femme mais saine d’esprit, n’opterait pas pour la deuxième
solution" (78). C’est en Novembre 1895, qu’il se produit un nouvel renversement
dialectique de la position de Schreber à l’égard de l’entmannung.
Il consent à l’éviration ce qui est rendu, dans son langage,
par le terme Versöhnung. Lacan dit à propos du terme
choisi par Schreber: "le mot a le sens d'expiation, de propitiation, et,
vu les caractères de la langue fondamentale, doit être tiré
encore plus vers le sens primitif de la Sühne, c'est-à-dire
vers le sacrifice" (79). Ce sacrifice est propre à rappeler le sacrifice
de jouissance qu’implique pour chaque être humain, le fait d’être
pris dans l’ordre symbolique. Maleval le rappelle: "Prendre en compte la
Versöhnung, en soulignant la perte de jouissance qui lui est inhérente,
met en évidence que la logique à l'oeuvre dans le travail
du délire implique un savoir sur le fait que tout parlêtre,
fut-il psychotique, se trouve soumis au décret de la castration"
(80).
7. P3, PERIODE AMBITIEUSE DE MAGNAN, PARAPHRENIE, VERWLEIBICHUNG
CHEZ SCHREBER.
"Arrivé à la phase ultime du délire, le psychosé
[...] se trouve en plein accord avec la néoréalité
qu'il a construit. Il consent à la jouissance de l'Autre parce qu’il
possède la certitude que, grâce à l'expérience
de celle-ci, il est parvenu à l'acquisition d'un savoir essentiel.
Bien souvent, ce dernier lui a été délivré
par une toute-puissante figure paternelle dont il se fait le porte-parole,
voire l'incarnation. [...] L'affrontement cesse pour les rares psychosés
qui parviennent à pousser l'élaboration de la métaphore
délirante jusqu'à P3. Un sentiment de communion avec le Père
s'impose, de sorte que la mégalomanie connaît là ses
réussites les plus hautes" (81).
De P2 à P3, le sujet passe de l'identification de la jouissance
dans l'Autre au consentement à la jouissance de l'Autre, Ceci correspond
cliniquement, de manière assez approximative, dit Maleval, "à
un glissement de la paranoïa à la paraphrénie systématique"
(82). "Si les paranoïaques et les paraphrènes partagent une
même attitude à identifier la jouissance de l'Autre, ils se
distinguent en ce que les premiers se révoltent contre l'Autre jouisseur,
tandis que les seconds s'en accommodent" (83).
Pour Magnan c'est la Période ambitieuse: "A mesure que
la maladie progresse et au bout d'un temps variable, suivant chaque individu,
il se fait une transformation singulière du délire; aux idées
de persécution succèdent des idées de grandeur. [...]
L'idée délirante est alors émise toujours de la même
manière et comme stéréotypée" (84).
Kraepelin rapporte le cas d'un patient "qui se sentait en état
de grossesse, il s’autonommait Francisca, il souhaitait qu'on le libère
des ses organes génitaux, qu'on le place à l'Hôpital
de la Maternité, et il voulait devenir la plus belle femme du monde"
(85). Mais sans aucune doute c'est le président Schreber qui est
l'exemple paradigmatique de paraphrénisation du délire, réussissant
le pousse-à-la-femme: "L'hostilité de Dieu à mon encontre
perd toujours davantage de son tranchant et [...] le combat mené
contre moi prend des formes qui toujours plus prêtent à la
conciliation et annoncent peut-être la complète communauté
de vues; les nerfs divins, en effet, après une brève interruption,
retrouvent en mon corps cela même à quoi ils avaient dû
renoncer justement du fait même de l'attraction; la béatitude
ou volupté d'âme [...]. Le cours des choses apparaît
donc comme le triomphe grandiose de l'ordre de l'univers, triomphe auquel,
pour sa modeste part, je crois avoir contribué" (86). Le renversement
dialectique face à la menace de castration, le passage du Angst
au Wunsch, constitue le pivot qui permettra la transformation en
femme, la Verweiblichung, pour donner naissance à une nouvelle
humanité d'esprit schrébérien.
Ainsi, comme le dit Morel, l’enjeu n’est plus la dialectique de l’avoir,
mais celle de l’être: "L'Entmannung est l'effet de la forclusion
sur "avoir le phallus", tandis que la Verweiblichung se substitue à
"être le phallus"" (87). Dans le consentement de la jouissance de
l'Autre, Schreber accepte de devenir la Femme de Dieu, l'Autre de l'Autre.
La féminisation est présente chez Schreber sous trois formes:
l'idée de devenir la femme de Dieu pour créer une nouvelle
humanité, ensuite celle d'une expérience de jouissance consentie
qu'il décrit à la fois comme une volupté féminine
éprouvée partout dans son corps, et enfin la pratique transsexualiste
à laquelle il se livre dans la solitude.
Le pousse-à-la-femme arrive donc à son ultime stade, avec
l’apaisement du sujet. Phénomène très clairement énoncé
par Freud: "Le conflit et la maladie peuvent à présent prendre
fin. Le sens de la réalité, néanmoins, qui s'est entre
temps renforcé chez le patient, le contraint à ajourner du
présent dans un avenir lointain la solution trouvée, à
se contenter, pour ainsi dire, d'une réalisation asymptotique de
son désir" (88).
Nous devons peut-être ajouter ici que Schreber a été
plus fidèle à Magnan qu’à Freud. En 1907, il est réhospitalisé
après la mort de sa mère et la maladie de sa femme dans un
état de démence qui constitue la dernière étape
du délire chronique systématisé de Magnan.
8. LA PSYCHOSE MANIACO-DEPRESSIVE, ET LE POUSSE-A-LA-FEMME.
A première vue, le pousse-à-la-femme n'est pas la voie
d'élection dans la psychose maniaco-dépressive. Cependant,
selon une certaine lecture des phénomènes mélancoliques,
quelques manifestations de féminisation seraient impliquées.
Le syndrome de Cotard, constituerait une des ces manifestations. H.
Ey cite le travail de Cotard sur le délire d'énormité:
"Si l'on examine avec un peu d'attention ces immortels on s'aperçoit
que quelques uns d'entre eux ne sont pas seulement infinis dans le temps
mais qu'ils le sont encore dans l'espace. Ils sont immenses, leur taille
est gigantesque, leur tête va toucher les étoiles. [...] Quelquefois
le corps n'a plus de limites, il s'étend à l'infini et fusionne
avec l'univers. [...] Bien loin que cette énormité soit une
compensation au délire mélancolique, elle en marque, au contraire,
le degré le plus excessif. Ils sont lamentables, gémisseurs
et désespérés. Il faudrait être un psychologue
bien naïf pour ne pas deviner que là même, l'amour propre
finit par trouver son compte. Le symbolisme du langage, les idées
d'énormité, le sentiment d'une jouissance malfaisante, il
est vrai, mais inhumaine s'accordent mal avec une véritable humilité"
(89). C’est aspect de la jouissance du mélancolique, bien pointé
par Cotard, permet à Czermack de faire le rapprochement avec le
pousse-à-la-femme. Il note à propos d'un mélancolique
"On y discerne comment un sujet manifestant qu'il a perdu son nom voit
simultanément cette perte s'accompagner de pétrification
temporelle et l'éjecter hors du temps, dépourvu de parents,
de naissance, de sexe, devenu unique, devenu le grand UN" (90). "L'absence
de division de Cotard ramène le sujet à sa sphéricité
imaginaire d'homme primordial. [...] Sphéricité imaginaire
de l'homme primordial, qui attire à lui toutes les particules de
l'univers, cette espèce de quasar, de trou noir, se fait lui-même
trou, faute d'être troué, il est dans le trop plein, il est
un tout, un univers, un universel" (91). Ce Un qui serait un Tout, peut
figurer La femme toute, un des Noms-du-Père: "Sentiment partagé,
rappelons-le aussi, par le transsexuel qui se fonde sur le vœu d'être
la femme, et qui estime que tant qu'il ne la sera pas devenue, il restera
en bordure: mais son erreur est d'estimer qu'à se situer au lieu
d'où, imaginairement, toutes choses procéderaient - Eve des
temps futurs ou Père universel - un comptage serait possible, alors
que, précisément cette place l'exclut [...]. Cette femme
énigmatique, c'est bien évidemment la femme originaire, enveloppe
de l'univers, dont l'étude du Cotard nous livre une large partie
de sa structure" (92).
En revanche, dans la manie délirante, si proche de la paraphrénie
expansive, Kraepelin décrit chez les femmes des phénomènes
nets de féminisation psychotique: "Les femmes se disent reines du
ciel et de la terre, l'Immaculé Conception, des esprits féminins,
la mère de l'enfant des bruyères, elles ont un enfant de
Dieu, elles vont dans le ciel rejoindre leur fiancé: Jésus-Christ
leur a rendu leur innocence. Le Diable a disparu: la malade a pris sur
elle toutes les souffrances du monde: la terre est maintenant une terre
merveilleuse" (93). La pente féminine de la psychose est ici indéniable.
CONCLUSION
Le trajet imaginaire du délire de Schreber, qui, comme Lacan
le soulignait bien va de la première entrevision d’une capture dans
une image féminine, jusqu’à l’épanouissement d’une
conception du monde où la transformation en femme est la clef, montre
le renversement dialectique de l’attitude, selon les termes de Freud, face
à la castration, face au Père du complexe d’Oedipe: transformation
du Angst propre de la position masculine, en Wunsch de la
position féminine. Il montre aussi les différents rapports
entre le sujet et la jouissance: d’abord jouissance du corps, ensuite localisation
dans l’Autre vécue dans un premier temps comme persécutive,
pour être enfin acceptée et accueillie favorablement. Ces
différents rapports sont propres à rendre compte de l’évolution
délirante du Délire chronique à évolution systématique
de Magnan, et des positions qu’on peut rapprocher de la schizophrénie,
de la paranoïa et de la paraphrénie.
Finalement nous souhaitons souligner le fait que l’évolution
"démentielle" du cas Schreber suffit à ôter toute notion
de progrès, au sens hégélien du terme, à cette
progression du pousse à la femme. "Pouvons-nous parler de processus
de compensation, et même de guérison, dit Lacan, comme certains
n'hésiteraient pas à le faire, sous prétexte qu'au
moment de la stabilisation de son délire, le sujet présente
un état plus calme qu'au moment de l'irruption du délire?
Est-ce une guérison, ou non? C'est une question qui vaut la peine
d'être posée, mais je crois que ce ne peut être que
dans un sens abusif qu'on parle ici de guérison (94)".
Références:
- Le Pousse à la femme: Structure Logique et Structures Cliniques,
Mémoire pour l'obtention d'un D.E.A. de Psychanalyse, Département
de Psychanalyse, Université Paris VIII, 1996.
- Le Pousse à la Femme et les Structures Cliniques de la Psychose,
L'Essai, Revue clinique annuelle, Publié par le Département
de Psychanalyse, Université de Paris VIII, Juin, 1999, pp.151-166.
Annexe
(Extrait du Curso de Formation Básico en Psiquiatría,
Universidad Nacional de Córdoba, Dr E. L. Mahieu, 1989, modifié)
1842: naissance.
1861 (19 ans): Mort du père.
1878 (36 ans): Mariage.
1er épisode: Dépression. 1ère hospitalisation
(6 mois).
1884 (42 ans): Candidat à la Chambre Basse (Reichstag).
Oct-Déc. 1884: Hospitalisé à Sonnenstein. Dr.
Weber.
Déc-Juin 1885: Hosp. à la Clinique Psychiatrique Universitaire
de Leipzig. Pr. Fleschig
1886 (44 ans): Reprise du travail au Tribunal Régional de Leipzig.
2ème épisode: Délire. 2ème hospitalisation
(9 ans du 21.11.93 au 20.12.02).
1893 (51 ans): 1er Oct., commence son activité de Senatspräsident
du Tribunal Supérieur de Dresde, Saxe.
Nov. 1893 (52 ans): Hospitalisé à la Clinique Psychiatrique
Universitaire de Leipzig. Pr. Fleschig
Juin 1894: Transféré à l’Asile de Sonnenstein.
Dr. Weber.
1900-1902: Ecrit les Mémoires. Débute le procès
judiciaire pour lever son hospitalisation forcée.
14 Juillet 1902: Le Tribunal se prononce pour la levée de l’hospitalisation.
20 Déc. 1902: Sortie de l’hôpital.
1903 (61 ans): Publication des Mémoires.
3ème épisode: Déchéance démentielle?
3ème hospitalisation (3 ans).
1907 (65 ans): Mai, mort de sa mère.
Nov. 1907, maladie de sa femme.
27 Nov. 1907: Hospitalisé à l’Asile Dösen, à
Leipzig.
1911 (69 ans): Mort De Schreber à l’Asile.
1911: Le Cas Schreber de Freud.
1912: Mort de l’épouse.
BIBLIOGRAPHIE
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47) Lacan (J.), Le Séminaire Livre III, Les Psychoses,
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48) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Collection
Médecine et Psychothérapie, Masson, Paris, 1996, p. 99.
49) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit.,
p. 95.
50) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit.,
p. 99.
51) Schreber (D.), Mémoires d'un Névropathe,
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53) Gorog (F.), Le Pousse-à-la-Femme, Pas Tant,
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54) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit.,
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56) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit.,
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57) Theodoridis (E.), La contradiction de Freud sur l'homosexualité
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60) Idem, p. 214.
61) Laurent (E.), Trois énigmes: le sens, la signification,
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62) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit.,
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63) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies
mentales, Op. cit., p. 251.
64) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit.,
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66) Maleval (J. Cl.), Logique du Délire, Op. cit.,
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67) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit.,
p.160.
68) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies
mentales, Op. cit., pp. 238-239.
69) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies
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70) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies
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71) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies
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74) Adler (A.), Le Tempérament Nerveux, Eléments
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75) Freud (S.), Une névrose diabolique au XVIIè
siècle, Op. cit., p. 296.
76) Lacan (J.), D'une question préliminaire à
tout traitement possible de la Psychose, in Ecrits, Editions du Seuil,
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77) Morel (G.), Le pousse-à-la-femme dans la "Question
préliminaire": articulation de l'éviration (Entmannung) et
de la féminisation (Verweiblichung), in La Lettre Mensuelle, Ecole
de la Cause Freudienne, N° 85, p. 11.
78) Schreber (D.), Mémoires d'un Névropathe,
Op. cit., p. 151.
79) Lacan (J.), D'une question préliminaire à
tout traitement possible de la Psychose, Op. cit., p. 566.
80) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit.,
pp. 158-159.
81) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit,
p. 94-96.
82) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit.,
p. 171.
83) Maleval (J. Cl.), Logique du délire, Op. cit.,
p 185.
84) Magnan (V.), Leçons cliniques sur les Maladies
mentales, Op. cit., pp. 278-280.
85) Kraepelin (E.), La Demencia Precoz 2° Parte,
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de Psychiatrie), Colección Clásicos de la Psiquiatría,
Editorial Polemos, Buenos Aires 1996, p. 172.
86) Schreber (D.), Mémoires d'un Névropathe,
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87) Morel (G.), Le pousse-à-la-femme: problématique,
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88) Freud (S.), Remarques psychanalytiques... Op. cit.,
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89) Ey (H.), Etude N° 16, Délire des négations,
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